Comportements inappropriés : vers quelle morale médicale ?
- Serge Cannasse
- Editorial
Le corps médical n’a évidemment pas l’exclusivité des comportements inappropriés, que ce soit dans leurs contenus ou dans les facteurs qui les favorisent, bien soulignés dans l’enquête de Medscape : stress professionnel, problèmes personnels, patients (ou « clients ») exigeants, évolution des mœurs, etc. Mais ils prennent un relief particulier dans le cadre d’une profession dont la place est singulière dans le fonctionnement social, comme le reconnaissent à la fois la majorité de la population et des praticiens. Il est frappant de constater que presque trois enquêtés sur cinq mettent en avant l’arrogance comme facteur favorisant un comportement inapproprié. On pourrait facilement l’interpréter comme étant la version dévoyée d’une fierté légitime d’exercer le métier de médecin, favorisée par l’entre-soi de cette profession qui pendant longtemps a défini elle-même sa propre morale.
Ce que montre en creux l’enquête menée auprès des lecteurs d’Univadis et de Medscape, c’est bien le mouvement souterrain qui affecte le corps médical dans ses valeurs à défaut de l’être pleinement dans les faits. Comme il a souvent été noté, le médecin n’est plus le notable garant d’une morale commune et dont de ce fait le comportement doit être irréprochable. Que cela reste vrai sur le plan professionnel, tout le monde en convient. Sur le plan privé, c’est une autre affaire. L’époque insiste sur la nécessité de séparer les deux et les jeunes en sont les premiers promoteurs. N’empêche qu’un médecin reste une autorité, avec qui on peut certes discuter, mais qui se doit de montrer l’exemple au moins sur les terrains où sa compétence fait foi : le respect, l’hygiène de vie, les acquis scientifiques, etc. Se montrer en bikini sur les réseaux sociaux ? Ça se complique. Dans quelle mesure l’exercice d’une profession implique-t-il de restreindre sa liberté privée ? Les médecins sont soumis aux mêmes interrogations sur la morale commune que le reste de la population et il n’est pas étonnant que beaucoup d’entre eux réclament une éducation civique, car c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive. Cette éducation aurait d’ailleurs tout à gagner à être doublée d’une formation à la philosophie, en s’interrogeant par exemple sur la vieille distinction, autrefois enseignée en classe de Terminale, entre la liberté et la licence.
Les enquêtes de Medscape font apercevoir que le corps médical est de moins en moins imperméable aux interrogations contemporaines. Le rôle des mouvements de patients a souvent été mis en avant. Mais ça n’est pas tout. Son recrutement fait appel à de jeunes générations qui pensent et agissent comme leurs pairs non médecins. Et il se féminise, même si les places en haut de la hiérarchie restent encore largement une chasse gardée masculine. Certains comportements seront de plus en plus inacceptables (alors que les résultats de l’enquête de Medscape montrent que neuf comportements inappropriés sur dix ne sont pas sanctionnés !) et de nombreuses interrogations vont prendre le devant de la scène, ne serait-ce que celles sur l’articulation vie privée/vie professionnelle et les règles de bienséance à l’égard des confrères/sœurs.
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