Comment améliorer la santé des populations des quartiers pauvres ?

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte. L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte.

Les inégalités de santé sont fortement liées aux inégalités de revenus. De plus, les ménages modestes sont plus volontiers présents dans les quartiers dits « prioritaires de la ville » (QPV), caractérisés par une forte proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (60% du revenu médian). Ces populations ont des conditions de vie plus précaires : logements dégradés, alimentation de mauvaise qualité nutritionnelle, sédentarité accentuée, pénibilité des conditions de travail, etc. On y constate des facteurs de santé plus dégradés : plus de la moitié de la population est en surpoids, la prévalence du diabète est supérieure de 7 points à la moyenne nationale, celle de l’asthme de 6 points, de la dépression de 4 points, etc.

La part des bénéficiaires de la CMU-C (Couverture maladie universelle complémentaire)  y est quatre fois supérieure à la moyenne hexagonale ; 11% des habitants des QPV ne sont couverts par aucune complémentaire santé, privée ou CMU-C, contre 5% dans les autres quartiers ; 43% des bénéficiaires potentiels ne font pas valoir leurs droits à l’obtention du RSA socle et 30% n’ont pas recours à la CMU-C. 

Une typologie des quartiers prioritaires de la ville

Deux chargées d’études de l’Institut Montaigne ont établi une typologie de ces quartiers « afin de mieux comprendre les besoins territoires par territoires » :

  • Quartiers métropolitains, en périphérie des grandes métropoles, caractérisés par « des phénomènes plus marqués d’échec scolaire, de délinquance et de trafic de drogue, tout en bénéficiant du dynamisme économique des grandes villes. » L’exemple choisi est la Seine-Saint-Denis;

  • Quartiers post-industriels, situés dans les zones anciennement industrielles (principalement le Nord et le Nord-Est de la France), avec pour exemple le département du Nord;

  • Quartiers excentrés, à proximité ou dans les petites et moyennes villes, avec une population jeune et moins pauvre que les autres QPV. L’exemple choisi est les Pyrénées-Orientales.

Cette typologie permet d’illustrer la variété des situations rencontrées. Quelques exemples :

  • Le taux de maladies chroniques est plus élevé que la moyenne nationale en Seine-Saint-Denis (282,8 pour 100.000 habitants pour 223,8 au niveau national) et dans le Nord (271,5 pour 100.000 habitants).

  • Les maladies psychiatriques sont plus répandues en Pyrénées-Orientales (56 pour 1.000 habitants pour 49,53 au niveau national) et dans le Nord (54,6). 

  • Dans le Nord, les parts de décès imputables à l’alcool et à la cigarrette sont en moyenne 28,6% et 23,8% plus élevées qu’à l’échelle nationale, respectivement. 

  • Le Nord et les Pyrénées-Orientales comptent un peu plus de médecins généralistes que la moyenne nationale (163,9 médecins pour 100.000 habitants dans le Nord, 175,8 médecins dans les Pyrénées Orientales pour une moyenne nationale de 152). 

  • Mais la Seine-Saint Denis compte 111 médecins généralistes pour 100.000 habitants (soit 26,9 fois moins que la moyenne nationale). La densité de pédiatres pour 100.000 habitants y est inférieure de 22,3 points à celle de la moyenne nationale.

Quelles solutions pour améliorer l’offre de soins ?

Les auteures avancent quatre propositions principales :

  • Créer des dispositifs dits « d’aller vers ». Par exemple, en Seine-Saint-Denis, des médecins généralistes ont développé la vaccination à domicile.

  • Favoriser de nouvelles organisations des soins, notamment grâce à la télémédecine (avec le frein d’un accès au numérique plus problématique dans ces populations) et aux délégations de tâches (par exemple, vaccination en officine pharmaceutique).

  • Augmenter le nombre des maisons et centres de santé, insuffisant dans les QPV, en envisageant leur gestion par les collectivités et des modes nouveaux de rémunération des professionnels de santé y exerçant. Par exemple, à Pierrelatte (Drôme), les médecins généralistes sont rémunérés via la capitation. 

  • Donner la priorité à la gouvernance locale, en clarifiant les responsabilités des niveaux national, régional, territorial, en mobilisant les données de santé publique pour obtenir des bilans territoriaux fins, en impliquant les acteurs locaux dans la gouvernance et en favorisant notamment les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé).