Combien de femmes sont sous traitement potentiellement dangereux durant leur grossesse en France ?

  • Blotière PO & al.
  • Drug Saf
  • 6 oct. 2021

  • Par Nathalie Barrès
  • Résumé d’articles
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À retenir

Une récente étude nationale a estimé la prévalence de la prescription de médicaments potentiellement dangereux durant la grossesse à partir d’une cohorte de près de 2 millions de femmes. Les résultats montrent que : 

  • 2,2% et 3,9% de femmes enceintes seraient sous traitement potentiellement dangereux durant la grossesse (sur la base des référentiels suédois et australien respectivement).
  • Cette prévalence atteint 9,2% si l’on prend en compte les médicaments contre indiqués dans ce contexte en France.
  • La prescription de traitements tératogènes est particulièrement forte au premier trimestre et celle des traitements foetotoxiques à partir du second trimestre.
  • La prescription d’AINS reste très élevée au sein de cette population, ce qui nécessiterait de mener des études pour en comprendre les raisons.

Pourquoi ces données sont-elles importantes ?

La crise liée à l’utilisation du valproate chez les femmes enceintes avait mis en exergue la nécessité d’un meilleur encadrement des prescriptions médicamenteuses durant cette période à haut risque. Plusieurs systèmes de classification du risque lié à la prise de médicament durant la grossesse ont été développés, les plus courants étant les systèmes américain, suédois et australien. En France, les praticiens peuvent se référer au CRAT (Centre de référence sur les agents tératogènes chez la femme enceinte). Il n’existe cependant pas de systèmes de classification similaires à ceux précités, alors que la prescription médicamenteuse durant la grossesse est particulièrement élevée dans notre pays. Cette étude pourrait amener à en développer un.

Méthodologie

Cette étude s’est appuyée sur les informations disponibles via les bases de données médicaments de l’Assurance Maladie (67 millions de bénéficiaires), en faisant un focus sur les informations concernant toutes les femmes enceintes entre 2016 et 2017.

Les médicaments considérés comme potentiellement à risque, ont été définis comme :

●Appartenant aux catégories D et D/X selon respectivement le référentiel du système de santé suédois et australien 

●Ou comme étant contre-indiqués en France chez la femme enceinte pour les médicaments non référencés par l’un des deux référentiels cités. 

Principaux résultats

Au global, près de 1,8 millions de femmes enceintes ont été incluses dans l’étude. Parmi elles, 73,1% ont mené leur grossesse à terme et donné naissance à un enfant en vie, 20,3% ont subi un avortement provoqué, 3,7% un avortement spontané.

Sur l’ensemble de la cohorte, 91,2% ont été exposées à au moins un médicament remboursé (valeur médiane de 6 médicaments différents). Après exclusion du misoprostol et des hormones, 1.097 médicaments différents ont été prescrits. Parmi ces traitements, 63,7% étaient répertoriés comme potentiellement dangereux durant la grossesse selon le référentiel suédois et 63,1% selon le référentiel australien.

La prévalence globale de la prescription d’un médicament potentiellement dangereux pour une femme enceinte était de 3,9% sur la base du référentiel australien et 2,2% selon le suédois. Cette prévalence augmentait pour atteindre respectivement 9,2% et 6,9% lorsque les médicaments contre-indiqués en France durant la grossesse étaient considérés.

Les médicaments potentiellement dangereux durant cette période étaient principalement prescrits par des médecins hospitaliers (41% selon le référentiel suédois et 39% selon le référentiel australien) ou des médecins généralistes (34% et 36%), mais moins par des gynécologues (10% et 7%).

La prescription de substances tératogènes (dont les rétinoïdes, le valproate) était plus importante durant le premier trimestre alors que la prescriptions des traitements foetotoxiques diminuait à partir du début du 2èmetrimestre mais restait cependant élevée pour les AINS (n=10.021).

Les cinq traitements potentiellement délétères durant la grossesse les plus prescrits étaient la doxycycline, l’érythromycine, l’ondansetron, le sulfamethoxazole/trimethoprime et l’azathioprine selon le référentiel suédois et la doxycycline, la nicotine, le fluconazole, la paroxetine et la lamotrigine selon le référentiel australien.

Parmi les traitements contre-indiqués en France, au-delà des AINS, les plus prescrits étaient l’association tramadol/paracétamol, le thiocolchicoside, l’ofloxacine, la progestérone/œstrogène par voie vaginale et la dexamethasone/oxytetracycline par voie ophtalmique.