CMGF 2022 - Insuffisance cardiaque : la nécessité impérieuse de la collaboration généraliste-cardiologue
- Serge Cannasse
- Actualités Congrès
Le Congrès du Collège de médecine générale, qui s’est tenu à Paris du 24 au 26 avril 2022, a consacré une session aux « médecins généralistes et à la gestion du parcours de soins de l’insuffisance cardiaque.»
L’insuffisance cardiaque chronique est fréquente, sous diagnostiquée (on estime sa prévalence à environ 2 millions de patients contre 1,5 connus), sévère (responsable de 70.000 décès annuels), associée le plus souvent à plusieurs comorbidités chroniques (entre 2 et 6) et coûteuses (3,1 milliards d’euros en 2019). Son parcours de soins est bien tracé, oscillant entre prises en charge ambulatoires et hospitalières. Il comporte deux points critiques : la précocité du diagnostic et les hospitalisations potentiellement évitables.
Les recommandations des sociétés savantes sont évidemment essentielles, mais elles négligent un point capital : l’adressage du patient au cardiologue par le médecin généraliste, dans un contexte de pénurie démographique dans les deux professions. C’est ce qui fait dire à Pascal Charbonnel, généraliste dans l’Essone, que la médecine fondée sur les preuves devrait aussi être territoriale, en tenant compte des ressources disponibles à l’endroit où consulte le patient.
Un inventaire des moyens disponibles localement
Ce travail d’inventaire a été entrepris à une échelle très fine par l’Assurance maladie, qui a créé un outil de diagnostic territorial de l’insuffisance cardiaque. Pour un bassin géographique donné (région, département, communauté professionnelle territoriale de santé – CPTS, etc), il propose trois types de données :
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Les caractéristiques de la population en demande de soins et la densité de l’offre de soins en ambulatoire (généralistes, cardiologues, infirmiers, masseurs kinésithérapeutes).
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Des indicateurs de moyens, indiquant notamment le recours aux soins primaires en amont et en aval de l’hospitalisation.
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Des indicateurs de résultats (taux de mortalité, de ré-hospitalisation).
Le but est de permettre aux équipes d’optimiser leurs projets de coordination des soins et de mesurer l’impact de leurs actions. Il semblerait qu’il soit atteint puisque les premiers retours sont très positifs.
Cardiologues et généralistes : comment travailler ensemble
Cela étant, la pénurie de cardiologues et de généralistes dans de nombreux territoires, qui s’aggrave, impose un accord entre les deux professions sur les questions de suivi des patients. C’est le but du travail engagé en commun par leurs Conseils nationaux professionnels. Il a abouti à la rédaction d’un outil d’aide pratique, qui se veut adaptable en fonction des contraintes et disponibilités locales, avec deux impératifs : respecter les recommandations des sociétés savantes, et être de consultation rapide. Il s’agit d’un ensemble de fiches portant sur plusieurs pathologies, dont l’insuffisance cardiaque. Voici le libellé de celle-ci :
Qui adresser en priorité au cardiologue ?
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Un patient en décompensation cardiaque sans signe de gravité (SpO2 <92% fréquence respiratoire >25 /min, hypotension artérielle ou signe(s) d’hypoperfusion – froideur des extrémités, marbrures, trouble de vigilance, oligo-anurie) : dans les 24 à 48 heures. En cas de signes de gravité : SAMU.
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Un insuffisant cardiaque connu, en cas de décompensation cardiaque sans les signes de gravité précédents : dans les 48 à 72 heures.
Quelle fréquence de suivi par un cardiologue ?
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Après sortie hospitalière pour décompensation : dans les 4 semaines après la sortie.
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Au long cours, selon stades de la NYHA :
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Stade I : cardiologue tous les ans,
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Stade II : cardiologue tous les 6 mois, davantage en cas de "prothèse" à contrôler (pace maker, défibrillateur, valve,...).
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Stade III : cardiologue tous les 3 mois.
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Le patient est suivi par le médecin traitant tous les 3 mois
Le pronostic du patient dépend en grande partie de l’optimisation dynamique de son traitement. Des modifications thérapeutiques et des ajustages sont nécessaires et fréquents.
Comment adresser au cardiologue ?
Adresser au cardiologue en joignant :
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Le bilan sanguin incluant BNP ou NT-pro BNP
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Évoquer une cause de décompensation : mauvaise observance, excès de sel, AINS, alcool, anémie, BPCO, hypertension artérielle.
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L’ECG si disponible.
Des coopérations territoriales qui se mettent en place
L’insuffisance cardiaque fait partie des projets de santé de plusieurs CPTS, par exemple en Essone (où la coopération entre professionnels est ancienne), avec la création d’un module d’adressage entre professionnels, un cahier de liaison numérique, des visioconférences, etc. Les maisons de santé pluriprofessionnelles facilitent le travail de coopération interprofessionnelle, avec un bémol : les professionnels peuvent avoir des difficultés à s’approprier les outils informatiques.
La conclusion ira à Philippe Muller, représentant de l’association de patients SIC (Soutien à l’insuffisance cardiaque) : « Il faut bien se rendre compte que le diagnostic nous plonge dans un état de sidération qui peut durer longtemps. Nous devons réaliser un changement profond de notre mode de vie. C’est cela qui nous préoccupe, plus que les recommandations, souvent reçues comme des injonctions ! »
Ressource :
Faciliter l’adressage des patients en ambulatoire. Propositions des Collèges Nationaux Professionnels de Médecine générale et de cardiologie. Septembre 2021, actualisation mars 2022.
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