Cigarettes électroniques jetables : le piège

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte. L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte.

D’après l’Académie de médecine, qui s’appuie sur les données de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des tendances addictives), « l’objectif d’une quasi-disparition du tabagisme en France en 2030 serait atteignable. » Mais le conditionnel est de rigueur, car cette évolution a été récemment contrecarrée par la mise à disposition des « Puffs », ou cigarettes électroniques à usage unique, auprès des enfants et des adolescents, qui sont le public le plus vulnérable à l’entrée en addiction.

L’Académie rappelle que dans un avis précédent, elle avait reconnu que la e-cigarette était certes moins dangereuse que la cigarette, mais qu’elle ne devrait être utilisée que par les fumeurs de tabac. En effet, si elle est plus efficace que les substituts nicotiniques habituels dans l’aide à l’arrêt du tabagisme, en revanche elle favorise l’usage du tabac chez les non-fumeurs. Or, les cigarettes électroniques jetables sont conçues « pour être attirantes pour les enfants et les adolescents, même lorsqu’elles ne contiennent pas de nicotine. »

Leur attrait est renforcé par leur prix compétitif, leur emballage séduisant, leurs saveurs variées, sucrées, fruitées, leur disponibilité dans un grand nombre d’endroits (débits de tabac, kiosques, restaurants, voire grande distribution ou magasins de décoration), leur discrétion et leur facilité d’utilisation même dans l’enceinte scolaire. Elles font de plus l’objet d’une intense promotion sur les réseaux sociaux.

Leur principal danger n’est pas pharmacologique, sauf pour celles qui contiennent de la nicotine, qui induit une dépendance biochimique. Il est dans le fait de favoriser une dépendance au geste de vapotage, « qui peut représenter un nouveau mode d’entrée dans l’addiction à la cigarette, renforcée ensuite par l’usage de « Puffs » contenant de la nicotine » (certains en contiennent jusqu’à 5%).

Ce risque a été reconnu par le Sénat, qui a voté le 8 novembre 2022 la mise en place d’une « taxe dissuasive » sur les cigarettes électroniques jetables, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2023. Les données épidémiologiques semblent lui donner raison : en juillet 2022, un adolescent de 13-16 ans sur dix avait déjà essayé la Puff et 28% des utilisateurs d’e-cigarette avaient commencé de fumer avec elle. En Angleterre, 8,6% des 11-18 ans avaient vapoté en 2022, contre 4% en 2021.

Enfin l’Académie souligne qu’une fois consommées, ces cigarettes électroniques jetables sont des « déchets toxiques », posant un problème écologique, puisqu’elles sont fabriquées avec du plastique et qu’elles contiennent une batterie au lithium.

Elle formule plusieurs recommandations. En premier lieu, il faut informer le public, y compris d’âge scolaire, sur le risque d’addiction représenté par les « Puffs », en visant plus particulièrement les enseignants de collège et de lycée. De plus, à l’image de ce qui a été demandé en Suisse, il faut renforcer la réglementation visant à protéger enfants et adolescents : fiscalité accrue, contrôle renforcé de l’effectivité de l’interdiction de la vente aux mineurs, imposition d’un packaging neutre. Enfin, il convient de « réserver le recours à l’e-cigarette jetable aux personnes fumant du tabac afin de leur faciliter l’obtention d’un sevrage. »