CFA 2022 - Dermites des plantes : des outils pour retrouver la plante incriminée

  • Stéphanie Lavaud
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  • Nathalie Barrès
  • Actualités Congrès
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Quelles sont ces plantes qui agressent notre peau ? Comment les identifier ? Pour le savoir, le Dr Jean-Claude Rzeznik, dermatologue à Fécamppropose de mener – méthodiquement – une enquête botanique en s’appuyant sur les aspects cliniques et les circonstances amenant à évoquer une phytodermatose. Si nécessaire, le médecin décidé à mener l’enquête pourra s’appuyer d’un outil Internet, le site web botaderma.com, conçu par le dermatologue normand et qu’il a présenté lors d’une session du Congrès francophone d’allergologie 2022.

Mener l’enquête comme le ferait un détective

« Les dermatologues n’ont souvent pas de mal à reconnaitre une dermite des plantes quand ils en voient une, mais ils s’arrêtent souvent à ce diagnostic sans chercher à identifier la plante coupable », a commencé l’orateur. En cause, le manque de temps ou le manque d’intérêt, mais aussi très souvent le manque de connaissances botaniques.

« Et on ne peut pas compter, non plus, pour l’identifier sur les tests épicutanés, d’où la nécessité de revenir aux bases et d’utiliser la méthode clinique, en collectant des indices cliniques par l’examen attentif des lésions, en complétant par un interrogatoire pour mener l’enquête. Bref, une démarche que n’aurait sans doute pas renié un détective emblématique » a poursuivi le dermatologue.

Face à une dermite des plantes, il arrive que la plante incriminée soit évidente, soit que le patient n’en ait touché qu’une seule, soit qu’il a déjà eu maille à partir avec dans le passé.

Pour le premier cas, le dermatologue a ainsi cité le cas d’une fillette avec des verrues planes à la commissure labiale que sa mère a voulu traiter avec de la chélidoine, relativement inoffensive, mais aussi avec de l’euphorbe, et en particulier euphorbia lathyris, pour le coup beaucoup plus caustique, qui a provoqué des lésions chez l’enfant. Ici, facile, la coupable est désignée.

Nul besoin non plus de mener l’enquête dans le cas d’une patiente vue en consultation avec les yeux gonflés mais qui se savait allergique au ficus benjamina.

« Dans ces 2 situations, le diagnostic était évident mais il arrive que ce soit plus compliqué, indique le Dr Jean-Claude Rzeznik. Quand le patient ne vous apporte pas la réponse sur un plateau, commence alors l’enquête botanique où, comme dans une enquête criminelle, tout commence par l’étude de scène de crime. C’est-à-dire, pour nous, l’analyse de la lésion élémentaire. Une pigmentation, par exemple, est un élément majeur d’orientation car il oriente vers une phototoxicité, ce qui réduit le champ des coupables en conduisant vers les seules plantes contenant de la furocoumarine (aussi appelés psoralènes, sont des agents toxiques photosensibilisants). Mais parfois, on est face à des lésions vésiculo-bulleuses, qui peuvent tout aussi bien traduire une réaction caustique, qu’une réaction allergique ou phototoxique » a-t-il précisé.

Quels indices recueillir ?

L’intensité des lésions est intéressante à relever. Elle varie en fonction de plusieurs paramètres qui sont la concentration de substance active dans la plante, la perméabilité de la peau du sujet et le temps de contact. Souvent une réaction violente est le fait d’un contact prolongé, intentionnel, qu’il soit à vertu thérapeutique ou non thérapeutique. Et le dermatologue de citer le cas d’une patiente qui avait appliqué un petit cataplasme de renoncules pour soigner ses douleurs de genou, laquelle contient de la protoanémonine, une substance toxique.

Attention aussi à la berce, et en particulier à la berce du Caucase, ou Heracleum mantegazzianum, très présente en Amérique du nord, responsable de photodermites voire de brûlures.

Il importe aussi de s’intéresser à la distribution des lésions, qui donne des indications sur la plante à l’origine du contact. « Dans le cas de la berce, les lésions seront explosives en cas de débroussaillage en peu vif, alors qu’elles seront plus limitées si l’on se contente de la cueillir, notamment pour nourrir les lapins. » Une atteinte cervico-faciale diffuse orientera plutôt vers un allergène volatil, comme le frullania des écorces d’arbre, ou un allergène dans une partie volatile de la plante (comme ceux que l’on trouve sur les tournesols ou les primevères).

Pensez au lierre, très allergisant

Parfois, pour retrouver la plante incriminée, il faut ajouter à l’examen clinique des données contextuelles recueillies dans un interrogatoire minutieux qui comprendra l’aire géographique, le biotope (jardin ou friche, montagne ou bord de l’eau) et l’activité (contact professionnel, randonnée, jardinage d’appartement). Les conditions météorologiques peuvent aussi renseigner, une réaction bulleuse par temps ensoleillé orientera vers une réaction phototoxique alors que la même réaction par temps couvert pourra faire penser à une réaction caustique.

De la même façon, se renseigner sur la saison. Hors période d’été, ayez en tête une plante extrêmement fréquente, omniprésente, mais auquel les patients ne pensent jamais alors qu’il est relativement allergisant : le lierre. Le délai réactionnel est lui aussi informatif, une réaction d’hypersensibilité immédiate apparait en moins d’une heure, une réaction caustique en moins de 24 heures et une réaction d’hypersensibilité retardée en plus de 24 heures.

Enfin, se renseigner sur la profession exercée car certaines réactions ne se voient que chez les professionnels. « Prenons l’exemple du persil, une plante phototoxique, qui provoque une réaction bulleuse sur les mains et les poignets chez les maraichers quand ils mettent cette herbe aromatique en bottes. Cela est d’autant plus vrai l’été quand le temps est moite et que l’allergène passe plus facilement la barrière cutanée », a signalé l’orateur.

Botaderma, un site Internet pour identifier la plante incriminée

Pour pallier le manque de connaissances botaniques des médecins et aider à mener à bien cette quête de la plante incriminée, le Dr Jean-Claude Rzeznik a mis au point un site Internet gratuit, botaderma.com, en collaboration avec un botaniste, Yves Sell (aujourd’hui décédé). « Le but n’était pas d’être aussi exhaustif que le botanical dermatology database, un site de référence qui comprend toutes les plantes qui ont fait l’objet d’un signalement depuis l’Antiquité, précise le dermatologue, mais de référencer les plantes les plus couramment en cause et surtout de fournir un outil sous la forme d’un moteur de recherche, qui permette, en l’absence de connaissances botaniques, d’orienter l’enquête ». Le principe est simple : remplir les fenêtres du moteur de recherche en renseignant les informations réunies lors de l’examen clinique et de l’interrogatoire. Le moteur de recherche fournit ainsi une liste de plantes répondant au profil recherché, avec, pour chacune d’entre elles, ses caractéristiques et le type de réactions qu’elle entraine.

Cet article a été écrit par Stéphanie Lavaud et initialement publié sur Medscape France.