Causes de la dénutrition dans le cancer des voies aérodigestives supérieures
- Nathalie Barrès
- Résumé d’article
Une attention particulière est accordée à la surveillance de la dénutrition chez les sujets atteints d’un carcinome des voies aérodigestives supérieures (CVADS) du fait de sa fréquence dans cette situation. Le pronostic associé à ces cancers est assez sombre en raison d’un diagnostic souvent tardif. Les données de la littérature indiquent qu’environ un patient sur deux atteint d’un CVADS est dénutri. Cette dénutrition survient bien souvent précocement et s’aggrave durant le traitement, malgré la mise en place de conseils diététiques et/ou la pose d’une gastrostomie prophylactique. Dans ce contexte, la dénutrition semble être un facteur indépendant de la survie globale et de la dégradation de l’état général du patient. Elle nécessite une approche multidisciplinaire.
Quelles sont les causes de la dénutrition chez les sujets atteints de CVADS ?
Il existerait trois grands mécanismes en cause.
- Le plus fréquent serait l’insuffisance des apports énergétiques liés à l’atteinte du carrefour aérodigestif. Dysphagie et odynophagie (douleur à la déglutition) sont des symptômes communément retrouvés et en lien avec le cancer lui-même. L’atteinte orale ou oropharyngée et/ou la présence d’une mucite qui est surtout iatrogène (liée à la radio et/ou chimiothérapie) peuvent être présentes. Les nausées/vomissements, l’anorexie consécutives des traitements ainsi que les jeûnes parfois nécessaires à certains examens favorisent également la diminution des apports énergétiques. Enfin, les troubles du goût et/ou de l’odorat touchent jusqu’à 100% des patients en cours de traitement par radio-chimiothérapie du CVADS. S’ils sont parfois présents au moment du diagnostic du cancer, ils sont la plupart du temps accentués par les traitements de radiothérapie. Il existe plusieurs causes sous-jacentes à ces troubles du goût et de l’odorat : diminution de la libération des molécules de la flaveur par atteinte de la mastication ; diminution de leur solubilisation par modification de la salive ; présence d’odeurs et de saveurs in situ liées à la nécrose des tissus, à l’inflammation, à la colonisation bactérienne et fongique, aux traitements ; atteintes des cellules et récepteurs gustatifs et/ou olfactifs. L’atteinte psychologique liée à la maladie peut également contribuer à diminuer les apports énergétiques.
- L’augmentation des dépenses énergétiques par accentuation du catabolisme au repos du fait des traitements (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) constituerait un second mécanisme lié à la dénutrition.
- Le troisième concernerait les changements métaboliques induits par la libération de cytokines inflammatoires qui favorisent l’augmentation du catabolisme et la diminution de l’anabolisme. Toutes les voies métaboliques – protéique, lipidique, glucidique – seraient alors concernées.
Impact sur le statut nutritionnel et la qualité de vie
Le retentissement des troubles de la perception des flaveurs sur le statut nutritionnel ou la qualité de vie est encore peu étudié.
Quelle prévention ?
Une chirurgie d’exérèse linguale la plus « économe » possible, la radiothérapie en modulation d’intensité pour minimiser l’irradiation sur les zones buccales les plus riches en récepteurs gustatifs peuvent être envisagées pour prévenir les troubles de perception des flaveurs. L’éviction du tabac et de l’alcool devra être préconisée. La prévention et traitement de la mucite sont également importants. Différents conseils pourront être apportés au patient pour favoriser la salivation et la perception de flaveurs (mâcher et avaler lentement, limiter les odeurs de cuisine, améliorer l’aspect visuel des plats, …).
Une prise en charge par une diététicienne est importante et devra être envisagée dès le diagnostic. Compléments nutritionnels oraux, voire nutrition entérale pourront être envisagés au besoin. La Société française de nutrition clinique et métabolisme recommande des apports quotidiens de 25 à 30 kcal/kg/j en périopératoire et 30-35 kcal/kg/j en oncologie médicale avec 1,2 à 1,5 g/kg de protéines/j.
La pratique d’une activité physique adaptée (APA) a fait ses preuves dans divers essais cliniques pour favoriser la synthèse de masse maigre, l’augmentation des forces musculaires et la diminution de l’asthénie.
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