Cas clinique : symptômes urinaires chez une femme âgée après antibiothérapie
- Dr Benjamin Davido, Infectiologue, Hôpital Raymond-Poincaré, Garches
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
Présentation
Une femme de 75 ans présente depuis 2 mois des signes fonctionnels urinaires à type de brûlures, pollakiurie et polydipsie avec sensation de sécheresse buccale. Elle n’a pas de fièvre, ni syndrome grippal, mais a perdu 3 kg depuis l'apparition des symptômes.
Elle a comme antécédent une BPCO Gold I, une hypertension artérielle (HTA) essentielle sous bêtabloquant et une ostéoporose fracturaire.
Elle raconte avoir reçu plusieurs cures d’antibiotiques ces derniers mois pour un examen cytobactériologique des urines (ECBU) initial positif à E. coli sauvage, sans aucune amélioration des symptômes. Elle a reçu successivement 5 jours de traitement par FURADANTINE (2 gélules x 3/j), 1 dose unique de FOSFOMYCINE-TROMETAMOL, 7 jours de LEVOFLOXACINE (500 mg/j) et enfin 5 jours d’AUGMENTIN (1 gramme x3/j).
L’ECBU de contrôle réalisé au décours de l’ensemble de ses traitements retrouve un aspect trouble des urines, des leucocytes à 5 millions/mL, 104 Candida kefyr.
Quelle est l'hypothèse diagnostique à évoquer au vu de l’histoire ?
1. Cystite chronique
2. Infection urinaire à Candida
3. Tableau d’infection urinaire à répétition
4. Pyélonéphrite aiguë nosocomiale
5. On ne peut pas répondre à ce stade
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Se discute tout d’abord le diagnostic d’infection urinaire récidivante (ou à répétition), mais en réalité il s’agit ici d’une patiente en échec des antibiotiques et sans épisodes « récidivants » en tant que tel, à distance d’un traitement initialement efficace. La cystite chronique n’est pas une entité infectiologique, certains l’utilisent en oncologie dans le cadre de cystite interstitielle. On ne peut pas conclure à ce stade qu’il s’agit d’une infection à Candida, car le Candida est classiquement un germe colonisant dans les urines d’un patient non immunodéprimé. La pyélonéphrite s’accompagne volontiers de douleurs abdominales ou lombaires et de fièvre dont il n’est pas mention dans le cas présent, et il n’y a pas de notion d’hospitalisation.
Son médecin traitant est inquiet devant l’existence d’une candidurie à l’ECBU. À propos de la candidurie, quelles sont les affirmations exactes ?
1. Elle est fréquente chez des patients non neutropéniques porteurs de sonde urinaire.
2. La candidurie traduit le plus souvent une utilisation récente intensive des antibiotiques.
3. La numération des levures urinaires ne permet pas de différencier une colonisation d’une infection.
4. La majorité des candiduries se compliquent d’une candidose rénale.
5. La candidurie asymptomatique est une situation fréquente notamment en réanimation.
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En effet, le Candida se retrouve classiquement sur le matériel étranger (cathéter, sonde urinaire etc.), et en service de réanimation. La situation la plus fréquente est bien la colonisation, qui est tolérée notamment chez le patient immunocompétent. Classiquement, l’utilisation récente et intensive d’antibiotiques peut sélectionner, au sein du microbiote, du Candida. [1,2] Un bilan biologique est réalisé à 6h du matin et révèle :
Hb=11.5g/dL ; VGM=105fL ; leucocytes=6.000/mm3 ; PNN=3.300/mm3 ;
lymphocytes=1590/mm3 ; monocytes=0.9G/L ; PQ=250.000/mm3 ; Na+=130 mM ;
K+=4.3mM ; glycémie à 7.8 mM ; urée=7.7mM ; créatinine=66mM ; ASAT=25UI ;
ALAT=18 UI ; PAL=68 UI/L ; GGT=84 U/I ; bilirubine=4 mM ; lipase=60UI ; CRP=2mg/L.
L’électrophorèse des protides est normale. Les sérologies VIH, VHB, VHC sont négatives, et les taux de vitamines B9/B12 normales.
Quelles sont les facteurs favorisants que l’on retient dans le cas présent ?
1. Diabète méconnu
2. Un âge avancé
3. L’utilisation d’antibiotiques
4. Une pathologie hématologique sous-jacente
5. Des stigmates de corticoïdes au long cours
Bonnes réponses : 1, 2, 3.
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Classiquement, les facteurs intrinsèques de candiduries sont un âge > 65 ans, le sexe féminin, un diabète, l’utilisation d’antibiotiques ou de corticoïdes au long cours, une pathologie hématologique avec notamment une neutropénie, et toute anomalie de l’arbre urinaire et notamment l’existence d’un cathétérisme urinaire [3]. La définition du diabète est une glycémie à jeun > 1.26 g/L ou 7 mM et explique la « fausse » symptomatologie de l’appareil urinaire par hyperosmolarité plasmatique (associée à une fausse hyponatrémie). À noter que la patiente a une macrocytose isolée concomitante d’une anémie à 11.5 g/L sans carence vitaminique qu’il faudra explorer (TSHus, médicaments) et à défaut explorer à la recherche d’une myélodysplasie.
Si, malgré l’ensemble des mesures afin de contrôler son diabète, la patiente reste symptomatique, quel traitement est recommandé dans le cadre d’une cystite à Candida de première intention ?
1. Fluconazole 200 mg/j pendant 14 jours
2. Amphotéricine B 0.5 mg/kg pendant 7 jours
3. Flucytosine 25 mg/kg x 4/j pendant 7-10 jours
4. Voriconazole 400 mg x2/j pendant 7 jours
5. Caspofongine 70 mg/j dose de charge, puis 50 mg/j IV pendant 14 jours
Bonne réponse : 1.
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Le traitement de première intention repose sur un azolé de type fluconazole (recommandations IDSA) [4]. En cas de résistance du Candida (notamment autre espèce que albicans), on pourra discuter de l’amphotéricine B mais qui est potentiellement néphrotoxique, ou la flucytosine malgré qu’elle soit indisponible et peu utilisée en monothérapie pour des raisons de risque de résistance. À noter que les échinocandines (caspofongine) diffusent peu ou pas dans les urines.
Ce cas clinique a été écrit par Dr Benjamin Davido, Infectiologue, Hôpital Raymond-Poincaré, Garches, et initialement publié sur le site internet Medscape.
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