Cas clinique : Anémie, faiblesses cognitives et hallucinations chez un homme retraité
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À retenir
Les personnes âgées présentant des symptômes de démence ont souvent une maladie cérébrale neurodégénérative et/ou vasculaire irréversible. Mais comme certaines démences sont réversibles, cela vaut la peine de poser un diagnostic précis, comme l'illustre l'histoire médicale d'un homme décrite par des médecins américains de l’équipe de Christopher Wong, MD (Donald and Barbara Zucker School of Medicine at Hofstra/Northwell, New Hyde Park, New York).
Le patient et son histoire
Un retraité de 70 ans, présentant plusieurs comorbidités s'est présenté au cabinet de son médecin généraliste en raison d'un déclin subi de ses capacités cognitives et de la survenue d'hallucinations. Le sujet présentait les antécédents médicaux suivants : insuffisance rénale avancée, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), maladie artérielle périphérique, diabète insulino-dépendant et hypertension.
Au cours des six mois précédents, sa femme avait remarqué un changement de personnalité et un déclin constant des capacités cognitives. En outre, son mari avait affirmé avoir vu des rats sur le sol et des inconnus dans leur appartement, a décrit l'épouse.
Quatre semaines auparavant, le patient avait été hospitalisé pour une anémie avec dyspnée d'effort.
Voici les résultats des tests et examens :
Tests biologiques :
- Taux de fer sérique 25 ug/dl
- Taux de ferritine 670 ng/ml
- Taux de vitamine B12 sérique 247pg/ml
- Taux d’homocystéine 29,3 umol/l (référence <15 umol/l)
- Taux d’acide méthylmalonique 937nmol/l (référence 0-378 nmol/l) et de folates de 6,7 ng/ml (référence ≥4,7 ng/ml).
Pendant l'hospitalisation, l'homme a reçu 400 mg de fer par voie injectable, de la vitamine B12 et d'acide folique par voie orale. Le taux d'hémoglobine à la sortie du traitement en milieu hospitalier était de 80 g/l.
Le patient était sous traitement régulier par pantoprazole quotidien en raison d'une gastrite, mais n’avait pas de traitement à base de metformine.
Régime alimentaire : sans particularités, ni végétarien, ni végétalien.
Autres résultats :
Pas d'hémolyse, endoscopie du côlon avec mise en évidence d'un polype non hémorragique, tomodensitométrie de contraste de la tête, du thorax, de l'abdomen et du bassin sans particularités.
- Tension artérielle 160/75 mmHg, fréquence cardiaque 81 battements par minute.
- Saturation en oxygène 9% avec une BPCO connue.
- Neurologiquement éveillé, mais seulement partiellement orienté.
- Fonctionnement moteur et sensibilité non remarquables.
- Démarche instable avec des pas courts.
- Pas d'hallucinations au moment de l’examen.
- Mini test d'état mental : 25.
- Le score du Patient Health Questionnaire-2 était de 0 (aucun signe de dépression majeure).
D'autres tests sérologiques ont révélé :
- Taux de vitamine B12 : 482 pg/ml (fourchette normale : 232-1245 pg/ml).
- Taux de folates : 6,7 ng/ml (minimum 4,7 ng/ml).
- Taux d’homocystéine : 29,3 umol/l (<15 umol/l).
- Taux d’acide méthylmalonique : 460 nmol/l (0 - 378 nmol/l)
Autres résultats :
- EEG sans particularité.
- Échographie duplex de la carotide : légère athérosclérose bilatérale.
- L'IRM crânienne a montré une perte de volume conforme à l'âge et des signes de maladie microvasculaire.
Le diagnostic est celui d'une démence réversible dans le cadre d'une anémie macrocytaire symptomatique avec un taux sérique de B12 bas à normal mais des taux sériques d'acide méthylmalonique et d'homocystéine élevés.
Traitement et évolution
Pendant que des examens complémentaires, dont une tomographie par émission de positons au fluorodésoxyglucose (FDG-PET), étaient effectués pour écarter les causes neurodégénératives, le patient a continué à recevoir de la vitamine B12.
Lors du suivi après un mois, le MMST (Mini Mental Status Test) était de 29, et le patient n'avait plus d'hallucinations. Selon sa femme, l'humeur et la cognition se sont améliorées. Le taux d'hémoglobine était de 113 g/l. L'acide méthylmalonique et l'homocystéine étaient augmentés avec l'insuffisance rénale terminale existante (hémodialyse) à 580nmol/l et 25umol/l, respectivement.
Discussion et informations complémentaires
Selon le Dr Robert Haußmann et ses collègues, la vitamine B12 et l'acide folique sont des vitamines élémentaires, solubles dans l'eau. La vitamine B12 doit donc être apportée par l'alimentation.
On trouve des concentrations particulièrement élevées de vitamine B12 dans la viande et les produits laitiers et surtout dans le foie animal, les œufs et les moules, expliquent les auteurs. L'acide folique est présent dans une variété de produits animaux et végétaux, en particulier dans les légumes à feuilles vertes et également dans le foie animal.
L'homocystéine et l'acide méthylmalonique sont des métabolites intermédiaires qui s'accumulent en cas de carence en vitamine B12 et en acide folique, respectivement. Alors que les taux d'homocystéine sont élevés à la fois en cas de carence en acide folique et en vitamine B12, un taux élevé d'acide méthylmalonique survient spécifiquement en cas de carence en vitamine B12, expliquent encore Haußmann et ses collègues.
Contrairement à la vitamine B12, les réserves d'acide folique de l'organisme peuvent être épuisées beaucoup plus rapidement, mais malgré cela, la carence en acide folique est relativement rare en dehors des pays en développement. En revanche, la carence en vitamine B12 est un phénomène très courant en Allemagne, notamment chez les personnes âgées.
Les manifestations cliniques typiques d'une carence en vitamine B12 ou en acide folique sont des modifications hématologiques et divers symptômes neuropsychiatriques.
Outre les anémies macrocytaires peu claires, les granulocytes neutrophiles hypersegmentés et les pancytopénies doivent également faire penser à une éventuelle carence en vitamine B12 ou en acide folique.
Les symptômes neurologiques caractéristiques comprennent des paresthésies symétriques et un engourdissement des jambes, des déficits sensoriels périphériques, une ataxie, des symptômes moteurs extrapyramidaux et un état réflexe anormal avec des troubles de la marche et d'éventuels symptômes de jambes sans repos.
Les manifestations psychiatriques comprenant "des oublis, des tendances au ralentissement et des symptômes semblables à ceux de la démence sont multiples et incluent des troubles affectifs, une irritabilité, des troubles du sommeil et des phénomènes psychotiques." Chez jusqu'à 40% des patients, ces symptômes apparaissent indépendamment des changements hématologiques.
Selon les auteurs, une cause possible est un apport insuffisant en vitamine B12, notamment dans le cadre d'un régime végétarien ou végétalien ; l'utilisation de certains médicaments, par exemple les inhibiteurs de la pompe à protons ou la metformine, pourrait également être associée à une carence en vitamine B12.
Des taux de vitamine B12 supérieurs à 300 pg/ml sont normaux. À de tels niveaux, une carence en vitamine B12 est peu probable. Des niveaux entre 200 et 300 pg/ml, qui doivent être considérés comme limites, et à des niveaux <200 pg/ml, la détermination de paramètres supplémentaires est indiquée pour confirmer le diagnostic. Pour la détermination de l'acide folique, des valeurs >4,1 ng/ml ont été considérées comme normales, et des valeurs de 2-4 ng/ml ont été considérées comme limites.
Chez les patients présentant des taux de vitamine B12 et d'acide folique limites, les métabolites intermédiaires que sont l'acide méthylmalonique et l'homocystéine doivent être déterminés. Des concentrations normales d'acide méthylmalonique et d'homocystéine permettent d'exclure une carence en vitamine B12 et en acide folique, selon les auteurs.
Cet article a été écrit par le Dr Thomas Kron.
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