Carrières hospitalo-universitaires : un plafond de verre bien réel pour les femmes
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Le « plafond de verre » désigne « les barrières invisibles, artificielles, créées par des préjugés comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités. » Son existence dans les secteurs publics et privés est aujourd’hui bien documentée, sauf pour les centres hospitalo-universitaires français. C’est pour remédier à cette lacune qu’une équipe a décidé de mener une enquête dans le groupe hospitalier où elle exerce (Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris). Ce dernier a en effet l’avantage de proposer la quasi-totalité des spécialités prenant en charge les malades adultes.
En se basant sur le Système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques (SIGAPS), les auteures de l’étude ont pu obtenir la liste exhaustive des praticiens en activité. Afin de mettre en évidence les progressions de carrière, elles n’ont retenu que les chefs de clinique (CCA), les PH, les MCU-PH (maîtres de conférence des universités-praticiens hospitaliers) et les professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH), auxquels elles ont envoyé un questionnaire. Il comprenait un test EVAR (EVAluation of Risk) qui évalue la maîtrise de soi, le goût du danger, l’énergie (l’ardeur), l’impulsivité et le sentiment d’invincibilité et des questions sur les raisons de leur choix de carrière et les obstacles rencontrés.
Le taux de réponse moyen a été de 50% pour les PH et 56% pour les hospitalo-universitaires. La majorité des répondants exerçaient une spécialité médicale.
Un plafond de verre manifeste pour les PU-PH
Les données du SIGAPS montrent qu’il y a autant de femmes (49%) que d’hommes (51%) parmi les médecins plein temps. En revanche, plus le statut est élevé, moins la proportion de femmes est importante, et ce gradient est significatif (p<0,001) : les femmes représentent 63% des CCA, 56% des PH, 49% des MCU-PH et 15% des PU-PH. C’est à ce dernier niveau que le plafond de verre est pleinement manifeste, variant cependant en fonction de la spécialité : 25% de femmes PU-PH dans les médicotechniques, 19% dans les médicales, 7% dans les chirurgicales et 0% en anesthésie-réanimation.
Contraintes familiales et attitudes moins favorables à la compétition
Les auteurs ont mis en évidence quelques explications à ce plafond de verre. L’implication dans la vie familiale est plus importante pour les femmes que pour les hommes, notamment en ce qui concerne l’éducation des enfants. Cette contrainte est très tôt assimilée par les jeunes femmes, puisqu’elle est perçue comme un obstacle à une carrière académique par 33% des étudiantes en médecine, et seulement par 10% des étudiants, selon une étude américaine (1992).
Le questionnaire EVAR indique que les femmes « se perçoivent globalement à la fois moins maîtres d’elles-mêmes et moins disposées à la prise de risque, quel que soit leur statut. » Elles ont également tendance à se dévaloriser en situation de compétition et à manquer de confiance en elles-mêmes pour accéder à leur poste. Alors qu’elles possèdent en général l’expérience requise et un projet soin-enseignement-recherche bien défini, ces facteurs jouent en leur défaveur dans les profils de leadership actuellement valorisés.
Les auteures concluent qu’il « n’est plus possible d’affirmer que les femmes sont exclues de la carrière hospitalo-universitaire. » Mais c’est bien son étape finale (devenir PU-PH) qui est problématique. Elles proposent des solutions comme le mentorat, qui a fait ses preuves dans d’autres contextes, la formation au leadership pendant les études de médecine et des arrangements organisationnels pour favoriser la conciliation entre les vies professionnelle et familiale.
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