Cannabis et santé respiratoire : quels liens ?
- Pradère P & al.
- Rev Mal Respir
- Caroline Guignot
- Résumé d’article
Les effets pulmonaires du cannabis consommé de façon chronique sous forme de joints restent controversés car les études distinguent rarement les effets respectifs de la substance psychoactive et ceux du tabac, consommé généralement dans le même temps. Une revue parue dans Revue des Maladies Respiratoires fait le point.
La fumée du cannabis mélangé au tabac comporte des substances psychoactives (THC et CBD), du monoxyde de carbone, de l’ammonium, du formaldéhyde, des phénols, des nitrosamines, des benzopyrènes. Leurs taux sont parfois supérieurs à ceux de la fumée de cigarettes seule, et leur potentiel de dépôt est parfois plus élevé, étant donné la durée d’inhalation plus longue des joints par rapport aux cigarettes.
Cannabis et cancer bronchique
Des liens entre consommation de cannabis et cancer bronchique peuvent logiquement être suspectés étant donné cette composition. D’ailleurs, les anomalies de la muqueuse bronchique qui ont été décrites semblent comparables, voire plus marquées que celles observées chez des fumeurs de tabac seul. Reste qu’aucun lien n’a été formellement décrit sur le plan clinique. Deux méta-analyses conduites à partir des études disponibles concluent à une absence de liens, mais elles sont limitées par l’hétérogénéité des profils et des anciennetés de consommation.
L’absence d’interrogatoire systématique spécifique à cette consommation et la sous-déclaration de consommation par les usagers de cette substance illicite complique encore la question : une étude ayant comparé la prévalence de la consommation de cannabis chez des patients atteints par un cancer bronchique à une population contrôle suggère une augmentation du risque, notamment chez les plus gros consommateurs. Deux études françaises notent une proportion significative de sujets consommateurs actuels ou passés de cannabis parmi des patients atteints de cancer bronchique. L’une d’elle, KBP menée tous les 10 ans à l’échelle nationale, pourrait indirectement suggérer un lien entre ce cancer et le cannabis, étant donné l’incidence stable de la maladie chez les plus jeunes malgré la baisse régulière du tabagisme dans cette population.
Enfin, certains travaux conduits auprès de cohortes de jeunes patients semblent montrer un phénotype particulier de cancer, plus complexe à traiter, lié au tabagisme. De nouvelles études sont menées pour le confirmer.
Cannabis et maladies respiratoires chroniques
S’il existe quelques études contradictoires, la plupart des travaux menés pour évaluer les liens entre cannabis et bronchite chronique montrent une augmentation des symptômes de bronchite chronique chez les fumeurs fréquents de cannabis (≥ 52 au cours des 12 derniers mois), indépendamment de la consommation conjointe de tabac ou de l’existence éventuel d’asthme.
Concernant la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive), les études menées chez des sujets jeunes ont des résultats incertains, mais celles conduites dans des cohortes de patients de plus de 40 ans montrent clairement un déclin régulier du VEMS avec le temps, la fonction respiratoire chez les plus gros consommateurs étant plus fortement impactée que celle des gros consommateurs de tabac.
L’emphysème pulmonaire pourrait être lié à l’effet cumulatif du tabac et du cannabis, sachant que le fumeur de cannabis présente une forme clinique particulière avec de larges bulles emphysémateuses. L’inhalation chronique de cannabis favoriserait aussi la survenue d’un pneumothorax ou d’un pneumomédiastin, généralement secondaires à l’emphysème.
L’inhalation de THC aurait un effet bronchodilatateur à court terme chez les sujets sains ou asthmatiques, comparable à celui provoqué par le salbutamol. Cependant, à plus long terme, un risque d’hypersensibilité au cannabis a été décrit, quelle que soit la voie de consommation, pouvant constituer un facteur aggravant de la pathologie asthmatique. Par ailleurs, l’inhalation chronique de cannabis augmenterait la capacité vitale forcée et la résistance des voies aériennes, avec une diminution de la diffusion alvéolo-capillaire.
Enfin, le sur-risque d’infection fongique respiratoire est nettement établi. Il est notamment expliqué par la contamination fréquente de la substance par certains Aspergillus. Les liens avec d’autres infections, notamment virales (influenza), ne sont pas établis.
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