Cancers colorectaux : un bilan des progrès réalisés et à venir
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
L’Académie de médecine a consacré sa séance du 13 juin 20231 aux « progrès et perspectives dans la prise en charge des cancers colorectaux (CCR) ». En effet, comme l’a indiqué Magali Svrcek (Paris), si cette prise en charge repose largement sur la classification TNM (Tumeur - Ganglions (Node) - Métastases), de nombreux marqueurs histologiques sont explorés pour préciser le pronostic et affiner la stratégie thérapeutique. Cette recherche s’effectue avec les techniques de référence que sont l’immunohistochimie et la biologie moléculaire, mais aussi avec des technologies en développement, comme le Next Generation Sequencing, l’intelligence artificielle ou l’analyse de l’ADN tumoral circulant.
Dans les CCR avec métastases ganglionnaires, de nouveaux marqueurs permettent de choisir au mieux le type de traitement adjuvant et sa durée. Il s’agit en particulier des dépôts tumoraux (Dts – tumor deposits en anglais), qui sont des foyers tumoraux présents dans la sous-séreuse colique ou la graisse péri-rectale sans tissu lymphoïde résiduel2, ainsi que des tumor budding (ou bourgeonnement tumoral), défini par la présence de cellules tumorales isolées ou en petits amas situés au niveau du front d’invasion de la tumeur3. Tous deux sont associés à un mauvais pronostic.
La caractérisation moléculaire des tumeurs dans les CCR métastatiques est devenue un critère déterminant dans le choix de la stratégie thérapeutique. Il s’agit notamment du phénotype MMR déficient/MicroSatellite Instable, observé dans 4 à 5% d’entre eux et facteur prédictif majeur de l’inefficacité des immunothérapies, en particulier des molécules anti-PD-1, devenues la norme européenne dans cette indication. Pour mémoire, le système MMR (Mismatch Repair System) permet de reconnaître et corriger les erreurs de duplication de l’ADN. Ces erreurs sont particulièrement cruciales au niveau des microsatellites (petites portions d’ADN répétitives).
Christophe Borg (Inserm) a rappelé que les caractéristiques du CCR peuvent être influencées par son site anatomique. Par exemple, les cancers du côlon gauche se développent en utilisant des facteurs de croissance tels que le TGFα, l’épiréguline ou l’amphiréguline. Les anticorps ciblant spécifiquement cette voie de signalisation (cetuximab, panitumumab) sont efficaces sur les adénocarcinomes du côlon gauche, mais pas ceux du côté droit.
Les altérations géniques des cellules tumorales sont sources de néo-antigènes (protéines n’existant pas à l’état normal dans l’organisme et cibles éventuelles d’une immunothérapie). Par exemple, 10% des CCR sont associés à la mutation du gène BRAF, de mauvais pronostic. Des inhibiteurs de croissance tumorale spécifiques sont actuellement développés, avec des résultats meilleurs que ceux de la chimiothérapie.
Les anticorps bloquant les récepteurs aux facteurs de croissance épithéliaux (EGFR) participent au traitement de 40% des patients atteints de CCR métastatique. Mais les CCR avec mutation du gène RAS n’y sont pas sensibles. Pour mémoire, le gène RAS code pour une petite protéine agissant comme signal inactivateur des récepteurs de surface tels que EGFR. Des médicaments sont en cours de développement pour neutraliser les protéines RAS activées.
Dernier exemple : la fusion du gène NTRK (insertion anormale d’un fragment d’ADN dans le gène) est observée dans certains CCR. La protéine qui en résulte est anormalement active, conduisant à un dérèglement cellulaire et à au développement d’un cancer. Plusieurs inhibiteurs spécifiques de cette protéine existent, mais ne sont pas remboursés en France.
Comme l’ont expliqué Marine Fidelle et ses collègues (Institut Gustave Roussy, Villejuif), de nombreuses études ont montré l’association des déviations taxonomiques de la flore intestinale avec la polypose et la carcinogenèse. Cependant, il n’a pas encore été possible d’établir de lien causal entre la présence de certains pathobiontes exprimant des génotoxines ou des toxines métaboliques et les dommages à l’ADN de l’épithélium intestinal. D’un autre côté, certaines bactéries activent les lymphocytes T folliculaires et les cellules B s’opposant au blocage des points de contrôle du système immunitaire par les cellules cancéreuses. Mais peu de patients bénéficient de thérapeutiques ciblées sur le microbiote intestinal, comme l’administration de bactéries immunogènes ou de phages anti-pathobiontes.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé