Cancer de la prostate : la thromboembolique veineuse est-elle un vrai risque ?

  • Marine Cygler

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
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La relation étroite entre le cancer et la thromboembolie veineuse (TEV) continue d'être explorée. Et l'on comprend l'importance de ce type de recherche quand on sait que la TEV est la seconde cause de décès derrière le cancer lui-même chez les patients cancéreux. De tout récents travaux viennent de montrer que dans les cinq années suivant le diagnostic de cancer, les hommes atteints d'un cancer de la prostate ont 50 % de risque en plus d'être touchés par une TEV que ceux qui n'ont pas de cancer de la prostate. Publiés dans le journal BMJ Open [1], les résultats de cette étude fondée sur une cohorte nationale suédoise devraient pousser les médecins à prendre en compte ce sur-risque chez leurs patients avec un cancer de la prostate afin que la TEV soit repérée et prise en charge au plus vite.

La puissance d'une cohorte nationale

La chercheuse Yanina Balabanova (entreprise Bayer, Berlin) et ses collègues ont eu recours à une base nationale de données suédoise. Ils ont inclus dans leur cohorte 92 105 hommes ayant été diagnostiqués d'un cancer de la prostate entre janvier 2007 et décembre 2016. Ces participants ont été appariés (5:1) avec 466 241 hommes selon leur âge et leur lieu de résidence. Grâce à la cohorte nationale, les résultats sont valables pour l'ensemble de la population suédoise, indiquent les auteurs.

2955 hommes atteints d'un cancer de la prostate et 9774 participants de la cohorte de comparaison ont eu un premier événement thromboembolique veineux dans les cinq années du suivi. Autrement dit, 3,2 % des hommes atteints d'un cancer de la prostate ont eu un premier épisode de TEV dans les cinq années suivant le diagnostic, contre 2,1 % dans le groupe contrôle. Dans 52 % des cas des deux groupes, il s'agissait d'un premier épisode de thrombose veineuse profonde. Les rapports de risque (HR) était de 1,48 (IC 95% [1,39 -1,57]) pour la thrombose veineuse profonde et de 1,47 (IC 95% [1,39 to 1,56]) pour l'embolie pulmonaire après ajustement.

Les chercheurs ont calculé que pour 1000 hommes atteints d'un cancer de la prostate, 6,54 (IC 95% [6,31- 6,78]) auront un TEV chaque année et 4,27 (IC 95% [4,18 – 4,35]) dans la cohorte de comparaison.

Un risque augmenté de 50% chez les patients avec un cancer de la prostate 

Une fois qu’ils aient eu pris en compte dans leur analyse des facteurs qui affectent le risque de TEV, comme les maladies cardiovasculaires et certains facteurs socioéconomiques, les auteurs ont conclu qu'être atteint d'un cancer de la prostate augmente de 50 % le risque d'être touché par un événement de TEV. Les six mois après le diagnostic de cancer représentent la période la plus à risque. En revanche, « le stade du cancer de la prostate était inconnu au moment du diagnostic de TEV et nous ne disposions pas d'information suffisante pour analyser l'impact des différents traitements », écrivent les auteurs qui admettent qu'il s'agit là d'une limitation de l'étude. Le poids, le statut vis-à-vis du tabac et de l'alcool étaient des données manquantes aussi.

« Dans notre étude, l'augmentation du risque de TEV chez les hommes atteints de cancer de la prostate est moindre que celle observée dans des études précédentes sur des patients atteints d'autres cancers » indiquent aussi les auteurs. Pour eux, « cela pourrait s'expliquer par une proportion importante de patients avec une forme localisée de la maladie avec un risque faible de progression du cancer ». Par ailleurs, certains hommes de la cohorte de comparaison ont pu développer un autre cancer pendant le suivi, ce qui a du coup augmenté le risque de développer une TEV dans le groupe contrôle et qui donc diminué le risque relatif entre les deux groupes.

Cela dit, même si le risque de TEV est moindre que dans d'autres études, il reste bien plus élevé chez les patients atteints d'un cancer de la prostate, ce que les médecins « devraient garder en tête » selon les chercheurs. Car « en plus d'être une cause majeure de décès chez les patients cancéreux, la TVE affecte négativement la qualité de vie, génère de la peur d'une récidive et peut mener à l'interruption des traitements anti-cancer ».

Cet article a été écrit par Marine Cygler et initialement publié sur le site Medscape.