Cancer colorectal métastatique : le statut social du patient influence t-il le choix du prescripteur ?
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales

Commentaire de l’un des auteurs
« Les inégalités sociales ont un impact très important sur la santé des Français, et cet impact a été particulièrement montré pour les cancers : pour les patients d’un statut social défavorisé il y a en moyenne plus d’exposition aux facteurs de risque de cancer, moins de dépistage, un diagnostic à un stade plus tardif, de moins bons résultats de la prise en charge.
L’influence du statut social du patient sur l’attitude des prescripteurs en oncologie a été peu étudiée jusqu’à maintenant. C’était l’objet de l’enquête ISPECO de rechercher si le statut social défavorisé du patient était associé à un moindre accès à la chimiothérapie orale.
En effet, La chimiothérapie orale présente de nombreux avantages théoriques ou avérés sur la chimiothérapie par voie veineuse : absence des complications potentielles (infections, thromboses,…) associées à une administration intraveineuse, moins d’interférences avec la vie quotidienne du patient, et aussi peut-être moins d’effets secondaires ou des effets moins sévères, liés au produit lui-même, et un moindre coût pour le système de soins. Toutefois, la prise orale de la chimiothérapie implique aussi que le respect du protocole et la surveillance des effets secondaires reposent largement sur le patient. Il est possible que les prescripteurs estiment, de façon consciente ou non, qu’un statut social défavorisé est associé à un moins bon suivi de la chimiothérapie orale, et soient moins incité à la prescrire chez ces patients.
Les résultats de notre enquête suggèrent qu’effectivement le statut social défavorisé est associé à une moindre fréquence de la chimiothérapie orale. Elle ne permet pas de dire si cette influence du statut sociale sur la décision du prescripteur est consciente et volontaire, ni si cette décision de ne pas utiliser la chimiothérapie orale était finalement la mieux adaptée pour le patient : ces sujets nécessiteront des travaux complémentaires. » Véronique Merle, Professeur d’Epidémiologie et de Santé publique, groupe de recherche « Dynamiques et Evènements des Soins et des Parcours » (CHU de Rouen), Unité Inserm U1086 « Anticipe »
À retenir
Le statut socio-économique regroupe des éléments complexes qui peuvent intervenir dans la relation médecin-patient. Une étude menée à l’hôpital universitaire de Rouen montre que :
- Les patients traités par chimiothérapie (CT) pour cancer colorectal métastatique (CCRm) non résécable et ayant un faible niveau socio-économique sont plus susceptibles de recevoir une CT par voie intraveineuse (IV) que par voie orale (VO).
- L’éloignement du lieu de soin ne semble pas être un facteur déterminant du choix entre une CT par VO ou IV.
Les auteurs font l’hypothèse qu’en prescrivant des formes IV, les cliniciens souhaiteraient faciliter la prise en charge de ces patients et limiter les risques de mauvaise observance et de toxicité.
Pourquoi est-ce important ?
Des enquêtes ont montré que lorsque la voie orale et intraveineuse étaient disponibles, 71% des prescripteurs choisissaient la voie orale dans des situations cliniques palliatives. Cependant, les facteurs associés à ce choix n’étaient jusque-là pas clairement identifiés dans le CRCm. Les résultats présentés ici commencent à apporter quelques réponses au choix de la voie d’administration dans ce contexte clinique et pour des patients ayant un niveau socio-économique faible. Ils pourraient ouvrir vers une étude de plus grande envergure sur plusieurs centres de soins et avec une détermination fine des raisons associées au choix de la forme pharmaceutique.
Méthodologie
Cette étude rétrospective financée par le Ministère de la Santé (PREPS 2016) a été menée au centre hospitalier universitaire de Rouen. Les patients souffrant de CRCm non résécable et traités par IV ou VO ont été inclus entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2017. Les données démographiques, socio-économiques, cliniques et thérapeutiques ont été analysées.
Principaux résultats
Au total, 388 patients ayant eu un CRCm non résécable entre 2011 et 2017 ont été inclus dans l’étude. Parmi eux, 283 ont été traités par chimiothérapie. Pour 62% (n=175) de ces patients, le traitement était disponible par IV ou VO. Sur ce sous-groupe, 41% (n=71) ont reçu une voie orale, et plus de la moitié (55%) avaient un niveau socio-économique faible.
Après analyses multivariées, deux facteurs avaient un impact significatif sur la prescription d’une chimiothérapie par voie orale :
- un statut socio-économique faible, associé à une moindre fréquence de la chimiothérapie orale (odds ratio 0,5 [0,26-0,96], p=0,039),
- et des antécédents de traitement par chimiothérapie orale, associés à une plus grande fréquence de chimiothérapie orale (OR 2,65 [1,06-6,66], p=0,038).
Les analyses ont également montré que la présence de comorbidités avait tendance à être associée à une prescription plus fréquente de la voie orale (OR 1,92 [1-3,69], p=0,05).
Principales limitations
Il s’agit d’une étude rétrospective menée sur un seul centre et portant sur un nombre limité de patients.
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