44% des femmes médecins considèrent que leur sexe à une influence négative sur leur carrière

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales
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Alors que les femmes médecins représentent aujourd'hui près de la moitié des effectifs, des différences avec leurs confrères persistent en France. Comment s’expriment-elles ? Ces différences concernent-elles leur organisation, leur salaire, leur façon de travailler, leur carrière ? Ou touchent-elles les relations homme-femme, patient-médecin ? C’est ce qu’une enquête exclusive menée par Medscape a tenté de découvrir en interrogeant plus de 1.000 praticiens et praticiennes.

 

Être une femme médecin : une considération différente de la part des patients…

Le regard des patients n’est globalement pas le même selon que le médecin est une femme ou un homme. En effet, lorsque le praticien est une femme, 62% des patients adoptent un comportement plus familier : ils les tutoient, les appellent par leur nom ou leur prénom sans les appeler « Docteur ». Un comportement qui concerne moins les hommes (51%). Les femmes âgées entre 25 et 29 ans sont le plus souvent concernées : 23% contre seulement 3% de leurs confrères masculins du même âge. Plus des deux tiers des praticiennes sont confondues avec une professionnelle de santé moins qualifiée, comme une infirmière ou une assistante médicale, ce qui n’arrive qu’à 19% des hommes. Enfin, plus de la moitié des femmes médecins ont déjà eu le sentiment de ne pas se sentir physiquement en sécurité face à certains patients. Un sentiment encore une fois plus souvent ressenti par les femmes que par les hommes.

 

Quels sont les aspects qui comptent le plus pour les hommes et les femmes médecins interrogés ?

C’est avant tout l’équilibre vie privée/vie professionnelle qui émerge de manière importante pour les femmes (51%) comme pour les hommes (44%). Les femmes accordent cependant plus d’importance que les hommes (13% versus 4%) au fait de pouvoir concilier travail et responsabilités parentales.

  • 82% des femmes et 89% des hommes interrogés avaient des enfants. Pour 2 femmes sur 5 (contre 1 homme sur 6), leur métier a eu une influence sur leur décision d’avoir ou non des enfants, ainsi que sur le nombre d’enfants qu’ils ou elles ont choisi d’avoir. De nombreuses praticiennes expriment des regrets sur le manque de temps qu’elles ont pu consacrer à leur éducation, notamment en raison des impératifs professionnels, comme les gardes. Lorsqu’un enfant est malade, elles restent plus souvent à la maison que les hommes pour s’en occuper (21% contre 6%). Des choix personnels pas toujours faciles à assumer professionnellement… Une cardiologue de 43 ans évoque : « On m'a proposé un poste de CCA [chef de clinique assistant] en me demandant de ne pas faire de bébé pendant ce temps […] J'ai mis 10 ans pour avoir 2 enfants […]. Mes collègues m'ont détestée, mon patron me reproche de prendre mes congés : inadmissible pour lui d'en prendre autant quand on travaille en CHU. »
  • Les médecins hommes estiment plus souvent que leurs consoeurs que les horaires et les exigences de leur métier ont un impact négatif sur leur rôle de parent (48% versus 39%).

Le second aspect le plus important concerne les relations avec les collègues et le personnel (16% chez les femmes et 19% chez les hommes). 

Et la rémunération ? Ce point arrive en 3ème position et il est deux fois plus souvent cité par les hommes que les femmes (14% versus 7%). Parmi tous les sujets évoqués, les luttes contre la discrimination selon l’âge, les inégalités de genres ou le harcèlement sexuel ne ressortent pas comme étant des préoccupations majeures pour les femmes et les hommes médecins interrogés. 

 

Être un homme ou une femme : impact sur les carrières et les revenus …

47% des femmes et 26% des hommes estiment qu’être un homme ou une femme a une influence sur leurs opportunités professionnelles.

Quatre femmes sur dix y voient une influence négative voire très négative, avec un impact notamment sur leur rémunération pour 25% des femmes interrogées. Les plus jeunes (25-29 ans) sont plus nombreuses à avoir le sentiment qu’il y a un privilège lié au genre, avec un impact négatif sur l’évolution de leur carrière pour 47% d’entre elles et sur leur rémunération pour 32%.

En revanche, trois quarts des hommes évoquent que le fait d’être un homme n’a pas d’impact sur leur carrière et deux hommes sur dix expriment que cela ouvre même des opportunités, sans qu’ils considèrent que cela ait un impact sur leur rémunération. 

Parmi les milléniaux (25-29 ans), les femmes étaient plus nombreuses à avoir le sentiment que le fait d’être une femme avait un impact négatif sur l’évolution professionnelle (pour 47% d’entre elles) et les revenus (pour 32% d’entre elles). 24% des hommes du même âge avaient le sentiment qu’être un homme était un facteur positif d’évolution de carrière et 16% que cela pouvait avoir un impact positif sur leurs revenus. En revanche, les baby-boomers, hommes comme femmes, étaient parmi tous les groupes d’âge, les plus nombreux à estimer que le genre n’avait pas d’impact sur leurs parcours professionnels (76% des hommes et 61% des femmes).

 

Autres impacts du genre …

Les femmes estiment que leur genre constitue un obstacle sur d’autres plans : présentation de résultats de recherche dans des congrès, publication dans des revues scientifiques…

 

Les femmes et les hommes médecins ont-ils la même confiance en eux ?

Parmi les répondants, 26% d’hommes et 21% de femmes occupaient un poste avec un rôle exécutif, tel que chef de service. Les femmes étaient plus nombreuses que les hommes à des postes de manager sans rôle décisionnel (16% versus 13%, différence non significative). Les hommes exprimaient plus souvent que les femmes un sentiment de confiance vis-à-vis de leur rôle de direction ou d’encadrement (61% contre 49%).  Une femme sur 5 exprimait des doutes sur ses capacités, contre 1 homme sur 8. Un écart plus marqué chez les médecins de la génération X (40-54 ans – 22% des femmes versus 9% des hommes).

Ce manque de confiance se traduit également dans leur négociation d'une augmentation de salaire puisque 50% des femmes s'estiment malhabiles contre 29% des hommes.  Dans le cadre de leurs activités, les femmes sont amenées à solliciter des mentors pour des conseils professionnels, mais elles font deux fois plus souvent appel à des référents ou mentors de sexe féminin que les hommes (10% vs 5%).  

De ce fait, 61% des femmes pensent devoir changer leur personnalité ou encore leur comportement pour être davantage prises au sérieux au travail.  Ainsi, une généraliste de 50 ans admet : « pour réussir, j'ai dû adopter les codes masculins et surtout ne jamais montrer ma vulnérabilité en tant que femme. C'est désolant, mais cela perdure encore en 2021 pour mes jeunes collègues. »

 

La discrimination sur leur lieu de travail

Plus de 2 femmes médecins sur 5 (contre 4 hommes sur 50) rapportent avoir été victimes de discriminations en raison de leur sexe sur leur lieu de travail actuel. Cela concerne en majorité les femmes de moins de 45 ans (55%).

Un anesthésiste de 34 ans reconnait : « Pendant un temps (bref) de responsable de zone, j'ai constaté que je sous-estimais la différence de comportement au niveau de la hiérarchie envers les femmes. Mes collègues femmes, à compétence/poste égal se retrouvaient bien plus souvent contestées que les hommes… alors même que le haut de la hiérarchie était majoritairement féminin. Je ne me croyais pas naïf, mais je ne mesurais pas l'ampleur de la chose ».

 

Comment réagissent les hommes face aux inégalités féminines ?

La majorité des femmes constatent que les hommes sont plutôt neutres quant à l'évolution des inégalités des sexes sur leur lieu de travail. Seulement un quart d'entre elles constatent qu'ils ont une opinion favorable. Ainsi, une urgentiste de 55 ans raconte : « Ce qui m'agace le plus souvent, c'est d'être obligée de préciser ma fonction au patient […], surtout quand il y a aussi un homme dans l'équipe, qui à ses yeux est le médecin et moi l'infirmière.»

 

Méthodologie de l’enquête

1.006 médecins exerçant en France et abonnés aux sites Medscape/Univadis ont participé à un sondage en ligne entre le 20 avril et le 15 août 2021. La moitié était des femmes. 44% des répondants exerçaient en hôpital et 58% étaient salariés. La grande majorité (78%) exerçaient à temps plein. 85% avaient des enfants, dont 32% avec au moins un enfant habitant à la maison.

*Marge d'erreur à +/- 3,09%, IC de 95%. Données non pondérées, recueillies à partir d'un échantillon aléatoire d’abonnés à Medscape et Univadis, qui ne sont pas nécessairement projetables sur une population plus large.

 

Spécialités : 
Dans l'échantillon, 23% des répondants étaient médecins généralistes*. Les autres spécialités les plus représentées étaient l'anesthésiologie (8%), la psychiatrie (7%), la médecine d'urgence (6%) et la pédiatrie (5%).

 

Retrouvez tous ces résultats en image sur le site internet Medscape.