Bipolarité et grossesse : que proposer aux femmes sous valproate ?

  • Samalin L & al.
  • Encephale

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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La grossesse, l'accouchement et l'année qui suit constituent une période de vulnérabilité psychique chez la femme atteinte de troubles bipolaires, avec un risque caractérisé de rechute ou de suicide. Cette décompensation peut être prévenue par la psychoéducation et la réévaluation du traitement stabilisateur de l’humeur. Parmi eux, le valproate est souvent utilisé mais expose à un risque de malformations congénitales et de complications néonatales. Depuis la publication des recommandations de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et celles de l’Agence européenne du Médicament (EMA) à son sujet, l'utilisation du valproate chez la femme en âge de procréer est contre-indiquée en France, mais peut s’avérer nécessaire dans certaines situations cliniques, qui doivent rester exceptionnelles. Aussi, un groupe d’experts français réunis sous l’égide de l’Association française de psychiatrie biologique et neuropsychopharmacologie (AFPBN) a publié un avis visant à préciser les conditions de modification ou d’arrêt d’une prescription de valproate chez des femmes ayant des troubles bipolaires et en âge de procréer ou enceintes.

Selon ces experts, la situation de la patiente vis-à-vis de la grossesse ou du désir d’enfants, la mise en œuvre d’un programme de prévention de la grossesse et de contraception ainsi que l’historique précis des traitements sont un prérequis pour orienter la décision thérapeutique. Ensuite, différentes situations sont à distinguer :

  • Chez une patiente cliniquement stable recevant du valproate en monothérapie et envisageant une grossesse, il faut prendre en considération sa préférence et sa volonté de mener une grossesse avec ou sans traitement. Ce choix ne peut avoir lieu qu’après une discussion suffisante sur les bénéfices-risques de chacune des options durant et après la grossesse. Si l’arrêt est envisagé, la réduction posologique doit être plus progressive que le schéma retenu au niveau européen. Si la patiente souhaite poursuivre un traitement, une alternative thérapeutique doit être envisagée conformément aux recommandations européennes.
  • Chez la patiente cliniquement stable recevant une polythérapie comprenant le valproate et envisageant une grossesse, le niveau de réponse du valproate et du/des autre(s) stabilisateur(s) de l’humeur doit être évalué comme recommandé dans le consensus européen. Lorsque le niveau de réponse de/des autres molécules stabilisatrice(s) de l’humeur est bon, la diminution posologique du valproate doit être menée sur un à six mois. S’il est faible, une autre molécule doit être proposée en alternative sur quatre semaines au minimum. Enfin, si une monothérapie est envisagée, elle nécessite une surveillance rapprochée (efficacité, observance…).
  • Chez la patiente cliniquement instable avec des rechutes fréquentes et une polythérapie comprenant le valproate qui envisagent une grossesse, les experts estiment que la stabilité clinique est à rechercher en premier lieu, alors que l'avis européen prend préférentiellement en compte son niveau de fertilité. Pour cela, le profil clinique, le type de décompensation, et l'historique des traitements et de leur efficacité doivent être pris en compte, en même temps que les préférences de la patiente pour améliorer le contrôle des symptômes. C'est lorsque la stabilité clinique sera atteinte que le changement de traitement sera conduit dans l'objectif de conduire une grossesse, selon les préconisations précédentes.
  • La patiente traitée par valproate, et chez qui une grossesse non planifiée survient, doit être rapidement informée. Lorsqu’elle l’accepte, elle doit bénéficier d’une diminution rapide de la posologie du valproate sur 15 jours maximum via un suivi très rapproché voire d’une hospitalisation si nécessaire. Si la femme ne souhaite pas arrêter le valproate, la psychoéducation et le monitoring obstétrical doivent être combinés à un suivi rapproché. Si elle est par ailleurs cliniquement instable sous traitement, le suivi est le même, avec pour objectif l’atteinte d’une stabilité clinique.

Les recommandations proposent des arbres décisionnels relatifs à chaque situation clinique.