Benzodiazépines au long cours pour troubles du sommeil : comment amorcer la déprescription ?
- Agnès Lara
- Résumé d’article
À retenir
- Malgré les recommandations, la prescription au long cours de benzodiazépines (BZD) ou de molécules apparentées reste fréquente chez les sujets ayant des troubles du sommeil, en particulier chez les sujets âgés et institutionnalisés.
- Les thérapies cognitives et comportementales et, de façon plus générale, l’approche psychologique, visant à motiver les utilisateurs de BZD à arrêter leur consommation et à prendre conscience de leurs capacités, donnent de bons résultats.
- Celle-ci nécessite des interventions pluridisciplinaires dans des lieux facilement accessibles aux patients tels le cabinet du généraliste ou l’officine par exemple.
L’usage sur la durée persiste chez les sujets institutionnalisés
Malgré les recommandations, l’usage à long terme des benzodiazépines reste prégnant, en particulier chez les personnes institutionnalisées, et ce malgré des bénéfices cliniques peu significatifs sur le sommeil.
La dépendance et la croyance des patients quant à leur impossibilité à dormir sans ces traitements limite l’efficacité d’une réduction progressive des doses et requiert un accompagnement psychologique. C’est pourquoi les thérapies cognitives et comportementales de l’insomnie (TCCi) sont de plus en plus évaluées dans les essais cliniques comme approche complémentaire.
Les TCCi, de plus en plus utilisées, mais encore discutées
Plusieurs études ont montré qu’un programme interactif digital de TCCi mené par un thérapeute, associé à une réduction progressive des doses de sédatifs/hypnotiques, pouvait améliorer l’insomnie et aider au sevrage de ces molécules dans différents groupes de patients.
Des divergences demeurent cependant. Par exemple l’étude de Coteur et al. (2), menée en Belgique, avait évalué l’intérêt d’associer une TCCi interactive digitale, initiée par le médecin généraliste, pour augmenter les chances d’arrêt des BZD ou des AR-BDZ après 12 mois d’intervention chez des sujets utilisant ces molécules depuis longtemps (> 6 mois d’usage quotidien avant l’inclusion). Les résultats se sont montrés décevants, révélant des taux d’arrêt bas (19-20%), sans différence notable entre le groupe intervention avec TCCi et le groupe sans (traitement standard, MG formés à l’éducation à l’hygiène du sommeil dans les deux groupes). Au vu de ces résultats, et étant donné que les TCCi utilisent une approche dynamique et multifacette, il paraît important de standardiser les interventions et d’affiner les stratégies à utiliser au sein de populations dépendantes aux BZD/AR-BZD depuis longtemps.
Aide motivationnelle au sevrage
Les patients ont souvent une très faible perception des risques associés à leur consommation de BZD (3). Des interventions personnalisées visant à orienter leur perception sur ce risque au démarrage d’une réduction de dose des BZD pourrait donc être efficace (3,4). Pour une faible proportion de sujets motivés à se sevrer (3-8%), la seule prise de conscience du fait que leur usage des BZD était problématique a été suffisante pour qu’ils stoppent leur consommation (2). Pour d’autres au contraire, la prise de conscience n’a pas suffi à les pousser à l’action (3).
Allary et al. ont souligné que les facteurs psychosociaux prédictifs d’un arrêt de consommation de BZD étaient souvent négligés dans les essais évaluant la déprescription de ces molécules (5). Et ils ont montré que le fait de stimuler la perception des patients de leur sentiment d’efficacité personnelle et de leurs compétences pouvaient constituer une première étape importante.
Des stratégies de déprescription à composantes multiples
Les généralistes étant les premiers initiateurs de BZD, ils apparaissent en première ligne pour amorcer un processus de déprescription. Mais d’autres professionnels de santé facilement accessibles en soins primaires ont également un rôle à jouer et notamment les pharmaciens d’officine. Ils ont à la fois une expertise dans ce domaine et l’opportunité de discuter de l’usage des médicaments avec les patients. Plusieurs essais ont décrit des processus de déprescription des BZD conduits par des pharmaciens, au sein d’une équipe pluridisciplinaire. L’essai EMPOWER par exemple (6-8) a consisté à envoyer une brochure d'information aux utilisateurs de longue durée (groupe intervention). À 6 mois, 62% d’entre eux avaient discuté d’un arrêt des BZD avec leur pharmacien, 27% avaient arrêté et 11% avaient réduit leur consommation. Ces chiffres étaient supérieurs à ceux du groupe contrôle (absence d’intervention).
Autre tentative concluante, l’étude longitudinale australienne RedUse (Australian Reducing Use of Sedatives) (9). Elle avait inclus plus de 12.000 résidents à partir de 150 maisons de retraite, et avait obtenu d’excellents résultats (40% d’arrêt ou de réduction de doses des BZD chez les résidents) en associant différentes stratégies : observation de l’historique de délivrances des BZD, éducation du personnel soignant, et incitation des prescripteurs à la déprescription.
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