Bactériémie : chaque minute compte

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon une large étude espagnole, la transmission en temps réel du résultat de l’hémoculture ne modifierait pas le pronostic des patients atteints de bactériémies par rapport à ceux dont le résultat (obtenu la nuit) n’est relayé que quelques heures après.
  • Cependant, une différence réelle a été observée lorsque la bactérie en cause était un germe à croissance rapide, comme le sont les entérobactéries.
  • Si cette étude ne fait pas la démonstration d’un lien de causalité, les auteurs invitent à vérifier ces données dans des contextes cliniques comparables où la présence de spécialistes est cependant moins systématique. « Si ces nouvelles études corroboraient cette association, la nécessité d'une couverture hospitalière 24/7 par un microbiologiste et/ou un infectiologue devrait être réexaminée ».

Pourquoi est-ce important ?

Récemment, une large étude américaine a décrit l'impact clinique délétère d’une antibiothérapie probabiliste inadaptée sur le risque de mortalité des patients atteints de bactériémie, et en particulier pour ceux infectés par des entérobactéries. L’influence du délai de prise en compte des résultats de l'hémoculture dans la réévaluation du patient et l’adaptation de son traitement a été moins étudiée. Cette étude espagnole répond à la question.

Méthodologie

Cette étude rétrospective a été conduite dans un hôpital tertiaire de Barcelone (Espagne) : tous les épisodes de bactériémie diagnostiqués entre janvier 2013 et décembre 2019 ont été inclus dans l’analyse. Dans cet hôpital, une équipe d’infectiologues et de microbiologistes sont présents 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Lorsque la positivité de l’hémoculture est disponible en journée (8h-14h de 2013 à 2015 puis 8h-20h de 2016 à 2019), elle est transmise au clinicien généralement dans un délai moyen d'une heure ; quand le résultat de l’hémoculture est disponible en dehors de ces horaires (de 14h à 8h de 2013 à 2015 et de 20h à 8h de 2016 à 2019), il est transféré dès le matin.

Aussi, cette étude a consisté à comparer le pronostic des patients atteints de bactériémie jusqu'à leur sortie de l'hôpital, leur décès ou 30 jours après le diagnostic, selon que l’information avait été transférée en temps réel ou de façon différée au clinicien.

Principaux résultats

Au total, 6.225 épisodes de bactériémie ont été inclus dans l'étude (34,2% avaient eu un résultat d’hémoculture en temps réel, 65,8 % en différé). Le traitement antibiotique empirique était approprié dans les trois quart des cas (77,4%). Un décès à 30 jours a été notifié pour 10% des patients.

L’analyse univariée a montré une association non significative entre le délai d'information du clinicien et la mortalité à 30 jours. Après analyse cloisonnée par type de micro-organisme, ceux qui étaient infectés par un germe à croissance rapide avaient un pronostic plus sombre que ceux ayant une bactériémie à croissance lente.

Après ajustement sur de multiples paramètres cliniques identifiés comme ayant une influence sur ce résultat, l’analyse multivariée montre que la transmission tardive de l’information est significativement associée au risque de décès à 30 jours (OR 2,22 [1,50-3,30]). La même analyse réalisée à partir des données de mortalité à 14 ou 7 jours confirme ce lien (OR 2,05 [1,27-3,32] et OR 1,92 [1,08-3,40] respectivement).

Le temps écoulé entre le prélèvement de l'hémoculture et l’arrivée au laboratoire de microbiologie n’avait pas d’influence sur la mortalité à 30 jours associée aux bactériémies prises globalement ou restreintes aux Enterobacteries.