Axe microbiote-intestin-cerveau : quelles perspectives cliniques ?

  • Osadchiy V & al.
  • Clin Gastroenterol Hepatol
  • 1 janv. 2019

  • Par Caroline Guignot
  • Résumé d’articles
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À retenir

Une revue parue dans Clinical Gastroenterology and Hepatology propose un tour d’horizon des connaissances sur l’axe microbiote-intestin-cerveau (MIC) : il reposerait notamment sur le rôle de métabolites microbiens (acides gras à chaînes courtes, acides biliaires…) qui agiraient localement au niveau de cellules neuroendocrines ou sur le système immunitaire muqueux, ou à distance en passant dans la circulation systémique, voire en franchissant la barrière hématoencéphalique.

Il a notamment été décrit des troubles du développement neuronal chez la souris axénique ( germ free ). Ce processus pourrait impliquer la microglie (macrophages du tissu cérébral) dont la maturation, nécessaire au développement et à l’homéostasie locale, a été décrite comme promue par les acides gras à chaînes courtes. L’indole, un dérivé du tryptophane produit par le microbiote, pourrait, lui, moduler la neuro-inflammation médiée par les astrocytes.

La période clé des tous premiers mois de vie

Les trois premières années de vie constituent une période intense pour le développement cérébral comme pour celui du microbiote intestinal. De plus en plus de données corroborent l’importance de ce dernier dans la constitution de troubles neurodéveloppementaux.

Le mode de délivrance jouerait un rôle important : les enfants nés par voie basse voient leur microbiote intestinal colonisé à partir de celui du vagin de leur mère et à partir de certains germes d’origine fécale, le microbiote vaginal et son métabolisme (métabolome) étant influencés par différents facteurs (infections, stress psychosocial…). L’association entre ces derniers et le risque de schizophrénie, d’autisme ou de troubles d’hyperactivité a été décrite par plusieurs études.

Chez l’enfant né par césarienne, des spécificités ont été décrites au niveau du microbiote intestinal, cutané et nasopharyngé, et qui persistaient jusqu’à deux ans de vie. Des études de cohorte ont décrit chez ces enfants un risque accru d’asthme, de maladies intestinales inflammatoires et d’autres troubles d’origine immunitaire par rapport aux enfants nés par voie basse. Sur le plan de l’alimentation, les enfants allaités présentent un microbiote plus riche en Bifidobacterium . Le lait maternel comporterait également des oligosaccharides spécifiques ayant un rôle dans la constitution du microbiote intestinal.

Enfin, le microbiote jouerait un rôle sur la qualité de la myélinisation, en régulant certains gènes. Dans une cohorte de 89 enfants de 1 an, la composition du microbiote intestinal a été associé aux performances cognitives un an après.

Les facteurs ultérieurs perturbant le microbiote

Avec l’âge, la constitution du microbiote se stabilise. Plusieurs paramètres peuvent néanmoins en modifier la composition : antibiotiques, alimentation, prise de pré- ou de probiotiques. Ils jouent à la fois un rôle sur sa composition mais aussi sur le métabolome.

Des modèles murins ont confirmé le lien entre antibiothérapie large spectre et diminution de différents métabolites sanguins ou cérébraux (sérotonine, vasopressine, ocytocine…). Une large étude cas-contrôle britannique a, elle, décrit une augmentation de l’anxiété et de la dépression chez des sujets ayant reçu de multiples antibiothérapies.

Concernant, l’alimentation, l’une des études disponibles chez l’humain montre qu’au long cours, une faible consommation de fibres réduit la diversité et la richesse du microbiote, un mécanisme difficilement réversible. Enfin, les prébiotiques et les probiotiques, regroupés sous le nom de psychobiotiques font l’objet de nombreuses études mais les données disponibles concernant leur utilité dans des interventions thérapeutiques  dans l’anxiété ou la dépression restent encore contradictoires.

Données cliniques

Les perturbations de l’axe microbiote-intestin-cerveau seraient associées à différentes pathologies comme les troubles du spectre autistique, l’hyperactivité/déficit de l’attention, les maladies de Parkinson, d’Alzheimer, ou d’épilepsie...selon de nombreuses études majoritairement précliniques. De plus chez l’animal, des travaux ont montré qu’il était possible de transmettre à des souris axéniques certains traits de l’humeur à partir de prélèvements de microbiote issus de patients anxieux ou dépressifs.

Chez l’humain, des différences de composition microbienne ont été rapportées entre des sujets sains et des sujets souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable (SII) : selon les études, une composition différente serait associée à un phénotype du SII ou plutôt à la sévérité des symptômes. La composition en Bifidobacterium et en Lactobacillus est la plus établie.

Dans l’obésité, les troubles du comportement alimentaire et de la satiété seraient sous l’influence des métabolites microbiens. Par ailleurs, Il a été démontré que des modifications de certaines microstructures cérébrales seraient sous l’influence du microbiote intestinal et pourraient distinguer des sujets obèses des sujets sains. Enfin, une expérience de transplantation fécale a permis de favoriser la perte de poids de sujets ayant reçu une transplantation d’un échantillon de microbiote issu d’un sujet ayant perdu du poids après chirurgie bariatrique.