Atteintes rénales aiguës sévères sous immunothérapie : beaucoup plus fréquentes en vie réelle que dans les essais cliniques

  • Roxanne Nelson

  • Actualités Médicales par Medscape
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L’atteinte rénale aiguë est une complication connue chez les patients qui reçoivent une immunothérapie, mais l’incidence rapportée dans les essais cliniques est seulement de 2-3% des patients. Une incidence plus élevée (jusqu’à 17%) a été vue dans des études en vie réelle, et une nouvelle étude rapporte des lésions rénales aiguës chez 25% des patients [1].

Néanmoins, les chercheurs ont aussi montré que parmi ces patients, ceux qui ont développé des effets indésirables liée à l’immunité ont une meilleure survie que ceux qui n’en avaient pas, en cohérence avec d’autres études qui ont montré que des effets indésirables liés à l’immunité témoignent du bon fonctionnement d’une immunothérapie.

Cette nouvelle étude a été publiée en ligne dans le Journal for ImmunoTherapy of Cancer [1] .

En tout, ont été enrôlés 2.207 patients traités dans un centre académique unique avec n’importe quelle de l’une de de ces 6 immunothérapies (ipilimumab, nivolumab, pembrolizumab, durvalumab, atezolizumab ou tremelimumab) entre février 2013 et janvier 2019.

Un quart de ces patients (n = 529, 25%) a développé des lésions rénales aiguës en l’espace d’un an après avoir commencé le traitement. Ces patients avaient tendance à être plus âgées et étaient plus susceptibles d’avoir de l’hypertension et de l’insuffisance rénale chronique.

Au total, 617 (28%) patients sont décédés en l’espace d’un an de traitement, et ces patients étaient plus susceptibles d’avoir une maladie de stade 4.

Les patients avec une lésion rénale aiguë avaient un risque de décès 3 fois plus élevé (3,11) par rapport à ceux qui n’avaient pas de lésion.

Néphrite interstitielle aiguë : un marqueur de réponse thérapeutique ?

Néanmoins, parmi ces patients avec une atteinte rénale aiguë, ceux avec une néphrite interstitielle aiguë avaient une meilleure survie que ceux qui n’en avaient pas, font remarquer les auteurs. En fait, les patients avec une néphrite interstitielle aiguë (NIA) avaient des taux de mortalité similaire aux patients sans atteinte rénale aiguë.

Bien que les patients avec une NIA présentaient des atteintes rénales plus sévères comme le montre un taux de créatinine sérique plus élevé (3,3 vs 1,4 mg/dL ; P< 0,001) et un usage de corticoïdes (type prednisone) plus important, ils avaient aussi des taux de mortalité plus bas à la fois dans les analyses univariées (HR : 0,43) et celles ajustées sur les données démographiques, de comorbidités, de type de cancer et de sévérité de la maladie (HR ajusté HR : 0,44).

Même après ajustement sur le stade d’atteinte rénale et la durée, la NIA a continué à être indépendamment associée à une mortalité plus basse.

La NIA est censée être un événement indésirable liée à l’immunité et ces résultats indiquent que « la NIA pourrait être un marqueur de réponse thérapeutique à l’immunothérapie », écrivent les auteurs, sous la houlette de Dennis Moledina, professeur assistant et directeur de la Kidney BioBank (Yale School of Medicine, New Haven).

Le lien entre des événements indésirables liés à l’immunité et l’efficacité des immunothérapies a souvent été souligné. Cela concerne différents événements indésirables, et notamment des effets dermatologiques et endocrinologiques, qui serait liés à une plus grande efficacité et de meilleurs résultats. Cette étude montre que la NIA pourrait en être un nouveau.

Diagnostiquer la NIA à partir d’un outil statistique

« Nos données suggèrent que le pronostic après une atteinte rénale sévère pourrait être modifié par une étiologie sous-jacente », écrivent les auteurs. « Les patients qui développent une atteinte rénale liée à l’immunothérapie devraient donc faire des examens – quand c’est cliniquement approprié – pour déterminer si l’atteinte rénale sous-jacente est une néphrite interstitielle aiguë. Non seulement la gestion de cette cause d’atteinte rénale est différente des autres, mais elle donne aussi une information pronostique additionnelle. »

Néanmoins, il est difficile de diagnostiquer la NIA sans biopsie rénale, soulignent les auteurs. Ils ont récemment développé et validé un modèle statistique pour diagnostiquer une NIA, en utilisant les données de patients avec une NIA prouvée par biopsie et des sujets témoins.

Ils ont trouvé un haut niveau de concordance entre le diagnostic de NIA estimée par le modèle et celui établi par les cliniciens, et un schéma de classification proposé récemment. En outre, 11 patients ont eu une biopsie rénale, et ceux avec une NIA à l’histologie (n=8) avaient une probabilité plus élevée de NIA basée sur le modèle que les patients avec d’autres diagnostics.

Cette étude a été supporté financièrement par le National Institutes of Health. Deux des co-auteurs sont co-inventeurs de l’ application 'Methods and Systems for Diagnosis of Acute Interstitial Nephritis'.

L’article a été écrit par Roxanne Nelson et initialement publié sur Medscape.com et traduit par Stéphanie Lavaud pour Medscape France.