Assurances complémentaires : du statu quo amélioré au scénario de rupture
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
Les assurances maladie complémentaires occupent en France une place singulière par rapport aux autres pays comparables. Elles portent globalement sur les mêmes soins que l’assurance maladie obligatoire, couvrent la grande majorité de la population et constituent un pourcentage important de dépenses. Avec pour résultat remarquable que le reste à charge moyen des ménages est le plus faible de tous les pays comparables.
Ce système n’est cependant pas sans défaut : il est complexe, inégalitaire (notamment en fonction de l’âge, de la situation professionnelle, du remboursement ou non des dépassements d’honoraires et parce qu’il exclut environ 4% de la population) et coûteux (frais de gestion redondants). Pour le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM), le statu quo n’est pas jouable. Dans son dernier rapport, il propose quatre scénarios possibles de changement, en soulignant qu’aucun n’a sa préférence, que certaines mesures de l’un peuvent s’appliquer à d’autres et que d’autres évolutions sont possibles (notamment la mise en place d’un bouclier sanitaire ou un allègement de la réglementation des assurances complémentaires). On ne rentrera pas ici dans le détail des préconisations (même si l’on sait que le diable s’y cache …), ni dans leur chiffrage. En voici les grandes lignes.
Scénario 1 : un statu quo amélioré
Il s’agit de conserver l’architecture du système en « améliorant ce qu’il est possible d’améliorer » :
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atteindre les populations moins bien couvertes « en proposant des règles plus simples, plus justes et permettant une meilleure allocation des remboursements entre les assurés sociaux de manière à renforcer les solidarités entre malades et bien portants »,
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corriger les inégalités les moins acceptables,
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limiter les restes à charge les plus élevés,
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améliorer la coordination entre assurance obligatoire et assurances complémentaires.
Si ce scénario a l’avantage de ne rien bouleverser, il présente un risque d’inefficacité quant aux buts recherchés.
Scénario 2 : une assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée
Il s’agit de pousser la logique actuelle de généralisation de la complémentaire santé « jusqu’à son terme ». Ainsi, les disparités d’accès selon le statut professionnel seraient corrigées.
Les contrats seraient normalisés en fonction des primes versées. Ils seraient décomposés en un socle commun à tous, correspondant aux soins indispensables, et en garanties supplémentaires. La tarification à l’âge serait limitée ou supprimée.
« Les retraités seraient les grands gagnants d’une telle réforme. » Le principal inconvénient de cette solution est « le maintien d’une certaine complexité » et du double remboursement des actes, qui élève les coûts de gestion.
Scénario 3 : augmentation du taux de remboursement de la Sécurité sociale
Le but est de clarifier les rôles : les besoins de protection commune pour l’Assurance maladie obligatoire, les besoins spécifiques pour les complémentaires. Il s’agit en somme d’une « généralisation du dispositif des ALD » (Affections de longue durée).
Le système serait simplifié, notamment en supprimant le double remboursement des soins. Il serait plus égalitaire : les contributions des assurés dépendraient essentiellement de leurs revenus et le renoncement aux soins pour raison financière serait limité, l’absence de complémentaire en étant l’une des principales raisons. L’évolution des rémunérations des professionnels et des établissements vers des formes mixtes (alternatives au paiement à l’acte) serait facilitée. Les dépenses de soins n’augmenteraient pas, en dehors de celles provoquées par le non-renoncement aux soins.
Ce scénario implique une définition consensuelle du panier de soins et la possibilité de le voir évoluer. Un des ses inconvénients serait que les complémentaires seraient souscrites essentiellement par des personnes aisées financièrement et bénéficiant ainsi d’une meilleure qualité de service (réduction des délais d’attente, par exemple).
Scénario 4 : des assurances complémentaires aux supplémentaires
Les assurances « complémentaires » couvriraient des paniers de soins distincts de ceux de l’assurance obligatoire : elles deviendraient « supplémentaires ». Comme le scénario précédent, il s’agit de clarifier les rôles, mais en simplifiant radicalement le système. C’est le scénario qui a été qualifié de « Grande Sécu » par les médias avant la divulgation du rapport, et qui aurait eu la préférence du ministre de la santé.
Un des avantages serait, grâce à la concurrence entre assurances privées, de les inciter à améliorer leur offre, notamment par la contractualisation avec les offreurs de soins et les réseaux de soins, par la proposition de services spécifiques et par la diffusion des progrès techniques « centrés sur leur panier de soins », les assurances privées ayant plus de souplesse que l’assurance obligatoire. Les assurés choisiraient leur contrat en fonction de leurs besoins et de leurs préférences.
Le principal problème de ce scénario est le même que celui du scénario 3 : une inégalité favorisant les personnes aisées, d’où une régulation nécessaire par les autorités de santé puissquela Constitution garantit l’accès aux soins et leur qualité pour tous.
Conclusion
Le rapport s’étend longuement sur la prévoyance, qui couvre notamment l’incapacité temporaire de travail, l’invalidité, le décès, et éventuellement le chômage. Il insiste sur le fait que ces scénarios ne permettront pas à eux seuls « de résoudre les difficultés auxquelles notre système de santé est confronté depuis longtemps. » Et qu’un de ses enjeux fondamentaux reste la prévention.
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