Aspirine en prévention primaire : où en est-on ?

  • Zheng SL & al.
  • JAMA

  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte. L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte.

À retenir

Cette méta-analyse de 13 essais contrôlés randomisés ayant comparé l’aspirine à l’absence d’aspirine en prévention primaire des maladies cardiovasculaires montre que celle-ci réduit bien, mais de façon modeste, le risque cardiovasculaire (mortalité cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal et AVC non fatal). Ce bénéfice est contrebalancé par une augmentation du risque de saignement majeur du même ordre de grandeur. L’absence d’impact sur la mortalité cardiovasculaire incite à évaluer l’opportunité d’un traitement préventif primaire sur la base de la balance bénéfice risque individualisée et en concertation avec le patient.

Pourquoi cette étude a-t-elle été réalisée ?

Si le bénéfice de l’aspirine est bien établi en prévention secondaire des maladies cardiovasculaires, son rôle en prévention primaire reste plus controversé, avec un bénéfice non systématiquement retrouvé et un risque de saignement augmenté. Cela a conduit à des recommandations contradictoires de part et d’autre de l’Atlantique. Une méta-analyse britannique a donc pris en compte l’ensemble des données disponibles de la littérature pour évaluer les bénéfices et les risques de l’aspirine chez des sujets indemnes de maladies cardio-vasculaires. 

Méthodologie

Tous les essais contrôlés randomisés ayant comparé l’aspirine (quelle que soit la dose) à un placebo ou à l’absence d’aspirine dans la prévention primaire des maladies cardiovasculaires, ont été pris en compte. Pour être inclus, ils devaient avoir enrôlé au moins 1.000 sujets sans maladie cardiovasculaire identifiée et disposer d’une durée de suivi d’au moins 12 mois.

Résultats 

  • Treize essais représentant près de 165.000 participants et plus d’un million de sujets-années de suivi ont pu être inclus. Neuf d’entre eux présentaient un faible risque de biais méthodologique. La durée médiane de survie était de 5 ans.
  • L’aspirine a été associée à une réduction significative des événements entrant dans le critère principal composite cardiovasculaire qui regroupait la mortalité cardiovasculaire, les infarctus du myocarde non fatals et les AVC non fatals, par rapport à l’absence d’utilisation : 57,1 événements cardiovasculaires pour 10.000 participants-années dans le groupe aspirine vs 61,4  dans le groupe sans aspirine. Le hazard ratio (HR) était de 0,89 [0,84-0,95]), avec une réduction du risque absolu (RRA) de 0,38% et un nombre de patients à traiter (NNT) de 265 pour éviter un événement cardiovasculaire.
  • L’usage de l’aspirine a également été associé à une réduction du risque d’infarctus du myocarde (HR 0,85 [0,73-0,99], RRA 0,28%, NNT 361), d’AVC ischémique (HR 0,81 [0,76-0,97], RRA 0,16%, NNT 540).
  • En revanche, aucune réduction significative n’a pu être associée à la prise d’aspirine vs l’absence de prise pour l’ensemble des AVC, la mortalité toutes causes ou cardiovasculaire (critères secondaires).
  • Concernant les saignements majeurs, 11 études ont pu être prises en compte, faisant apparaître 23,1 événements pour 10.000 participants-années dans le groupe aspirine vs 16,4 dans le groupe sans aspirine. L’usage de l’aspirine a ainsi été associé à une augmentation du risque de saignement majeur (HR 1,43 [1,30-1,56]), intracrânien et digestif notamment, avec une augmentation du risque absolu de 0,47% et un NNH de 210.
  • Ces observations ont été retrouvées dans les populations à faible risque cardiovasculaire comme à plus haut risque, y compris chez les patients diabétiques.

Limitations

Comme pour toutes méta-analyses, les résultats ont pu être altérés par un mauvais report des données au sein des essais, et cela semble avoir été notamment le cas dans le groupe des sujets diabétiques.

Les critères d’évaluation différaient selon les études. Et surtout, les doses d’aspirine utilisées variaient de 50 mg à 500 mg/j. Mais une analyse de sensibilité limitée à des doses plus proches de la pratique courante (100 mg ou moins) a retrouvé les mêmes résultats.