ASCO 2023 — Tumeurs solides : l’immunothérapie néoadjuvante change la donne
- Shrabasti Bhattacharya
- Actualités Congrès
L’immunothérapie néoadjuvante (IN) constitue la première étape d’un traitement contre le cancer afin de réduire la taille d’une tumeur avant une chirurgie ou tout autre traitement majeur. Elle induit une réaction immunitaire plus forte que l’immunothérapie adjuvante, administrée après une chirurgie primaire, car les cellules tumorales sont plus présentes. l’IN stimule le système immunitaire pour lui permettre de reconnaître et d’attaquer davantage ces cellules. Elle est capable de freiner toute dissémination métastatique précoce et de réduire l'étendue de la chirurgie nécessaire pour des tumeurs localement avancées, pour de meilleurs résultats chirurgicaux. L'étendue de la réponse pathologique (Rp) après une IN est un bon indicateur du pronostic et peut guider les médecins dans l'élaboration d'autres approches thérapeutiques adjuvantes et néoadjuvantes optimales.
Des experts du Netherlands Cancer Institute ont abordé les bénéfices associés à l’IN dans les tumeurs solides, en particulier sur les mélanomes de stade III lors du congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) de 2023, au cours d’un séminaire intitulé « La promesse de l’immunothérapie néoadjuvante dans le traitement des tumeurs solides ».

L’IN améliore le taux de survie
« L’IN entraîne des taux de réponse pathologique élevés. La réponse pathologique majeure (RPM) et la réponse pathologique complète (RPC) sont fortement associées à d’excellents résultats et à une absence de récidives dans de nombreux types de tumeurs » a déclaré Myriam Chalabi, du Netherlands Cancer Institute.
Par exemple, chez les patients atteints d’un mélanome de stade IIIB à IV, l’administration du médicament pembrolizumab (un inhibiteur du [PD-1] avec une protéine 1 déclenchant une mort cellulaire programmée) en traitement néoadjuvant et adjuvant a permis d’améliorer les résultats de survie sans événements de 40%, selon un article récent.
L’IN avec des inhibiteurs PD-1 s’est non seulement révélée plus efficace qu’une immunothérapie adjuvante, mais a également présenté des résultats supérieurs par rapport à une chimiothérapie standard. Ces conclusions ont été corroborées dans l'étude CheckMate 816 impliquant des patients atteints d’un cancer des poumons non à petites cellules résecable, et dans l’étude KEYNOTE-522 menée chez des patients atteints de cancer du sein triple négatif. Une proportion significativement élevée de patients recevant une ION PD-1 a atteint une RPC dans ces deux études.
Par ailleurs, les résultats de l’étude NICHE-2 ont démontré que l’administration concomitante sur une courte durée de nivolumab et d’ipilimumab, deux médicaments néoadjuvants, a produit des résultats impressionnants. La majorité des patients de cette étude souffraient d’un cancer colorectal localement avancé avec déficit de réparation des mésappariements et ont atteint une RPM (95%) et une RPC (67%). Dans une analyse groupée d’essais cliniques, l’International Neoadjuvant Melanoma Consortium a démontré que les patients qui atteignaient une réponse pathologique (partielle, majeure ou complète) avec une IN seule présentaient très peu de récidives et d’excellents résultats, même après deux ans.
L’IN, une opportunité pour une désescalade thérapeutique
Myriam Chalabi décrit les possibilités de désescalade thérapeutique standard pour les cancers, comme la chimiothérapie, la radiothérapie ou la chirurgie, que pourraient offrir les IN. Par exemple, elle cite certains résultats préliminaires de l’essai BELLINI. Au cours de cet essai, les patients souffrant d’un cancer du sein triple négatif qui avaient atteint une réponse radiologique partielle après seulement quatre semaines d’IN ont atteint une réponse complète, ou quasi complète, suite à la chirurgie. Et ce, sans administration de chimiothérapie. Myriam Chalabi a remarqué qu’un « sous-groupe de patients atteints d’un cancer du sein triple négatif pourrait même se passer de la chimiothérapie dans un futur proche ».
Dans une autre étude récente impliquant des patients avec un cancer colorectal localement avancé avec déficit de réparation des mésappariements, ceux qui ont obtenu une réponse complète après six mois d’IN avec du dostarlimab ont pu se passer de radiochimiothérapie et de chirurgie sans progression de la maladie. Par conséquent, l’IN permet d'éviter d'avoir recours à la chirurgie et à la chimiothérapie chez certains patients.
Les bénéfices de l’IN dans la désescalade thérapeutique et l’orientation des décisions futures en matière de traitement ont été mises en évidence par Irene L.M. Reijers, du Netherlands Cancer Institute, qui a présenté une analyse post-hoc des essais OpACIN-neo et PRADO. Le traitement standard du mélanome de stade III implique une intervention chirurgicale lourde suivie d’un traitement systémique adjuvant. Or, dans ces deux essais, l’ipilimumab a été administré avec le nivolumab en tant qu’IN pendant six semaines. Dans l'étude OpACIN-neo, tous les patients ont subi une intervention chirurgicale lourde (curage ganglionnaire total) après une IN. Aucun traitement systémique adjuvant n’a été nécessaire.
De l’autre côté, l’essai PRADO a suivi une approche plus personnalisée. Tous les patients ont été opérés des ganglions lymphatiques après six semaines d’IN. Chez les patients présentant une RPM, le curage ganglionnaire total et le traitement systémique adjuvant n’ont pas été nécessaires. Dans le cas de patients présentant une RP partielle ou une absence de RP, un curage ganglionnaire total sans et avec traitement systémique adjuvant ont été respectivement réalisés.
Dans ces deux cohortes, le taux de réponse pathologique était supérieur à 70%, avec environ 60% de patients qui atteignaient une réponse complète. Environ 20% des patients ne présentaient aucune réponse au traitement. Lors de la comparaison des patients ayant atteint une RPM dans les deux groupes, les résultats de la survie sans récidive (96% vs. 93% ; p=0.47) et de la survie sans métastases à distance (98% pour les deux ; p=0.92) étaient similaires chez les patients qui avaient subi un curage ganglionnaire total et chez ceux qui n’avaient pas été opérés.
Ces conclusions suggèrent que les médecins peuvent choisir de ne pas effectuer de chirurgie lourde chez les patients ayant atteint une RPM avec de l’immunothérapie seule. De même, ce groupe de patients a présenté d’excellents résultats de survie sans avoir reçu de traitement adjuvant dans l'un ou l'autre des essais. De ce fait, le traitement systémique adjuvant devient redondant chez les patients présentant une RPM après un traitement préalable par IN.
Cependant, le traitement systémique adjuvant, spécifiquement un groupe de médicaments connus comme anti-PD1s, peut améliorer les résultats de survie et peut être recommandé aux patients ne répondant pas à l’IN. De même, la radiothérapie adjuvante reste une option pour les patients souffrant de graves toxicités avec l’IN et qui ne sont pas éligibles au traitement systémique adjuvant.
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