ASCO 2023 - Le TOPOSCORE prédit l’influence du microbiote sur la réponse à l’immunothérapie

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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Depuis une dizaine d’années, on sait que la composition du microbiote intestinal a une influence majeure sur l'efficacité de l’immunité anticancéreuse ainsi que sur celle des inhibiteurs de checkpoint immunitaire (ICI). Trois espèces bactériennes, Akkermansia muciniphila, Bifidobacterium spp. et Faecalibacterium spp, ont notamment été mises en avant comme étant favorables à la réponse antitumorale. Cependant, ces résultats n’ont pas d’application en clinique. Aussi, l’institut Gustave Roussy (Villejuif) a initié une étude afin que les équipes d’oncologie puissent prédire la réponse à l’immunothérapie en fonction de la composition du microbiote intestinal de leurs patients. Dans le cadre du congrès de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) qui s’est tenu à Chicago du 2 au 6 juin 2023, le Dr Lisa Derosa (Institut Gustave Roussy), a présenté TOPOSCORE, un score basé sur la composition du microbiote : développé à partir d’analyses métagénomiques, et transposé à une application par PCR (Amplification en chaîne par polymérase) quantitative, ce score pourrait prédire en moins de 48 heures l’efficacité de la réponse à un ICI chez des malades atteints de cancer.

Abondance relative des espèces bénéfiques ou délétères

Aujourd’hui, il n’existe pas de consensus sur ‘l’empreinte’ intestinale prédictive de l'immunorésistance, notamment parce qu’il existe des différences de composition du microbiote au niveau géographique et parce que les données disponibles sur le sujet se rapportent souvent à des espèces prises isolément. « Or, a rapporté Lisa Derosa, il a été démontré récemment que, parmi le réseau d’interaction formé par les bactéries, il existe deux groupes d’espèces qui forment ensemble un balancier prédictif de la santé métabolique des patients diabétiques de type 2 ». Sur le même principe, les équipes impliquées dans l’étude, ont conduit un travail de métagénomique à partir d’une première cohorte regroupant 245 patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC). L’analyse du microbiote intestinal de ces patients avant l’initiation du traitement puis à l’issue de leur suivi a permis d’établir la distribution des espèces et leurs réseau d’interaction : ils ont identifié 40 bactéries prédictives d’une survie globale (SG) inférieure à 1 an (groupe SIG1) et 34 autres espèces qui, à l’inverse, étaient prédictives d’une SG supérieure à 1 an (groupe SIG2).

Pour passer d’un tel réseau à un score unidimensionnel, les chercheurs ont calculé le rapport entre l’abondance relative des espèces délétères et celle des espèces bénéfiques. Ceux qui avaient un microbiote intestinal plutôt favorable en termes de survie avaient un score bas, et inversement. « Pour les patients qui avaient un score médian, c’était l’abondance relative d’Akkermansia qui était prise en compte, car nous avons précédemment décrit que cette bactérie immunogène est favorable au pronostic » a précisé la chercheuse.

Les données avant ou après ajustement multivariée (sur le Performance status, le taux de PDL-1, l’indice de masse corporelle, la présence de métastases hépatiques ou cérébrales…), confirment que ce TOPOSCORE est prédictif de la survie sans progression et de la survie globale dans cette cohorte. Il a ensuite été validé à partir de trois cohortes indépendantes, regroupant des sujets atteints de CBNPC, de carcinomes rénaux et de cancers urothéliaux. « L’analyse dynamique montre que 68% et 74% des patients SIG1+ ou SIG2+ respectivement n’ont pas évolué de l’un vers l’autre groupe au cours des trois premiers mois de traitement par ICI » a-t-elle complété. Finalement, parce que cette analyse métagénomique n’est pas facile à manipuler en routine clinique, ni rapide à conduire, les chercheurs ont pu confirmer la pertinence du score, d’abord en réduisant le test aux espèces les plus prévalentes et pronostiques (soit 24 espèces seulement), puis en passant de l’analyse du métagénome à une PCR quantitative.

TOPOSCORE pourrait être amené à évoluer avec la poursuite de son évaluation dans d’autres cohortes ou dans le cadre d’autres types de cancers. « Afin d’envisager une application thérapeutique, il faudrait absolument déterminer les mécanismes qui sont impliqués dans ces interactions favorables ou délétères, a reconnu le Pr Laurence Zitvogel (Institut Gustave Roussy), en charge de l’étude. En effet, c’est eux qui permettront de savoir s’il faut préférentiellement apporter au patient une ou plusieurs espèces parmi les plus favorables et/ ou s’il faut plutôt essayer de traiter une ou plusieurs espèces apparaissant délétères ».