Article 51 de la LFSS 2018 : on réorganise et on déroge, c’est la loi qui le dit !

  • Elisabeth Pedro
  • Editorial
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En substance, tout est possible pour réorganiser, autant que nécessaire, la manière dont on s’occupe d’un malade – médecins, soignants, travailleurs sociaux, en ville ou à l’hôpital –avec à la fois une recherche d’efficience et une exigence de qualité.

Dans le texte de loi (1), cela donne : "Permettre l'émergence d’organisations innovantes dans les secteurs sanitaire et médico-social concourant à l'amélioration de la prise en charge et du parcours des patients, de l'efficience du système de santé et de l'accès aux soins".

Et pour mettre en œuvre cette réorganisation, on déroge ; cela donne dans la loi : …. « Pour la mise en œuvre de ces expérimentations, il peut être dérogé en tant que de besoin aux dispositions suivantes : « a) Les règles de facturation, de tarification et de remboursement mentionnées aux articles du code de la sécurité sociale, en tant qu'ils concernent les tarifs, honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux établissements de santé, centres de santé, professionnels de santé…. »….

C’est donc, comme l’a indiqué la ministre, un gigantesque chantier qui est ouvert ; et pour plusieurs années, jusqu’à une transformation profonde de notre système de santé.

Deux phénomènes pourraient cependant obscurcir cette perspective.

D’abord, une réserve, une incrédulité ou même une opposition des professionnels de santé, en particulier libéraux, surchargés par leur quotidien et dont certains ont pu être échaudés par des initiatives ou des expérimentations lancées ces dernières années par les pouvoirs publics et finalement non abouties. Ensuite, les freins que pourraient constituer les administrations elles-mêmes. La chose a été très bien dite par le Directeur de l’offre de soins de l’ARS IdF dans un article (2) paru au printemps, juste après la publication du décret (3) d’application : « Mais les freins vont être nombreux. A commencer par les administrations elles-mêmes qui ne sont pas habituées à ce mode fonctionnement innovant, fondé sur le non normatif et la prise de risque ».

Cependant, la dernière production (4) du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) intitulée Contribution à la transformation du système de santé, publiée juste avant la coupure estivale et, semble-t-il, bien accueillie dans le microcosme, pourrait fournir une sorte de guide, sinon de mode d’emploi, pour la mise en œuvre de cet article 51. Constatant l’impuissance des pouvoirs publics à réformer et l’inadéquation de l’offre toujours organisée autour de l’hôpital, le HCAAM en appelle à une réorganisation fondée sur des regroupements pluriprofessionnels aptes à répondre aux services à rendre à la population. Cette réorganisation ne peut venir que des professionnels eux-mêmes et pour cela, une adaptation des « valeurs » sur lesquelles ces professionnels fondent leur exercice est nécessaire. Fort heureusement, cette adaptation est déjà en marche, sur le terrain.

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Pr Jean-Michel CHABOT
Professeur de santé publique