Arthrose : le confinement a aggravé la douleur des patients
- Frédéric Soumois
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales de MediQuality
La période de confinement du printemps 2020 a eu un impact sur la douleur déclarée par les patients atteints d'arthrose, dont près de 36% ont moins de 40 ans. Ces données émanent d'une enquête publiée par la Fondation arthrose et l'AFLAR (Association française de lutte contre le rhumatisme).
« L'état général des patients arthrosiques s'est également modifié en raison de la diminution de l'activité physique, de l'isolement et du stress professionnel et familial », peut-on lire dans les conclusions du rapport. Les répondants, 643 Belges et 2.822 Français, ont souligné que l'arthrose avait un impact important sur leur qualité de vie et, notamment, sur les loisirs, la vie de famille et la vie professionnelle. Pour 81%, cette maladie fait peser un réel poids important sur leur moral. Une situation qui peut engendrer une sédentarisation des patients et contribuer à aggraver le problème. "Il faut marteler que l'activité physique est le meilleur traitement de la douleur arthrosique", insiste le président de la Fondation arthrose, le professeur Yves Henrotin, docteur en kinésithérapie et réadaptation fonctionnelle, thérapeute manuel. "Il faut éviter la kinésiophobie (peur du mouvement) pour rompre le cercle vicieux de l'inactivité. La douleur disparaît avec l'exercice qui libère des endorphines et de la sérotonine endogène pour traiter cette douleur chronique." Il souligne que l'inactivité peut favoriser l'obésité, le diabète et l'aggravation de l'arthrose du genou.
Quels impacts de la Covid-19 sur l'arthrose en France et en Belgique ?
La période de recueil de l'enquête a permis d'évaluer les conséquences de la Covid-19 sur ces patients. « Stop arthrose II » montre que c'est uniquement la période de confinement strict qui a modifié le statut algofonctionnel, l'état général de santé et le moral des patients, avec une dégradation transitoire : augmentation de l'intensité de la douleur, moins bonne perception de l'état de santé général et baisse du moral. Le Pr Yves Henrotin détaille ce constat, corroboré par l'étude REUMAVID3 : « si l'état général ou le moral sont moins bons avec une aggravation des symptômes, cela peut s'expliquer par le fait que les patients bougeaient moins, entretenaient moins de relations sociales, avaient changé leur style de vie, en mangeant plus, en consommant plus d'alcool et en fumant plus de tabac. Ils ont ainsi augmenté les facteurs de risque de l'arthrose. » Le Dr Laurent Grange analyse ces données comme « un impact à court terme qui conforte toujours la même idée et revient au premier traitement de l'arthrose : bouger de manière adaptée ».
L'enquête confirme ainsi les répercussions, induites par le confinement, de la sédentarité sur les patients. Céline Mathy, psychologue, administratrice déléguée de la Fondation Arthrose, conclut : « Le confinement a été un stress en plus, une inquiétude par rapport au virus, au vaccin, à la durée du confinement … être isolé, privé de sortie, privé de loisirs rend les patients plus déprimés. Mais cette diminution du moral a été transitoire. »
Quelles différences depuis 2013 ?
L'étude « Stop arthrose II » donne une photographie quasi identique à celle de 2013. On ne constate que peu ou pas d'amélioration sur l'ensemble des items. En plus de la douleur qui concerne près de 9 patients sur 10, la fatigue est préoccupante pour 1 arthrosique sur 2. L'arthrose gêne également le sommeil de 68% des patients. L'impact sur la vie sociale reste très important : les loisirs (78%), la vie de famille (62%), la vie professionnelle (44%), la vie de couple (25%) avec des conséquences sur la vie sexuelle pour 32% des répondants. Et Il ne faut pas sous-estimer la mauvaise image de soi qui touche 64% des arthrosiques.
Des besoins non satisfaits et des attentes non comblées.
La grande majorité des patients espèrent une baisse de leur douleur (94%) et une augmentation de leur mobilité (72%). Et ils déclarent manquer d'informations sur la maladie (76%), d'informations médicales claires (84%), de conseils pour améliorer leur vie quotidienne (75%), et d'un meilleur suivi médical (66%). Il est à noter que le médecin généraliste n'est un soutien important que pour 27% des patients. Pourtant il a un rôle clé dans le parcours de soin. Le Pr Yves Henrotin poursuit : « si le médecin généraliste est plus enclin à prendre en charge les comorbidités de l'arthrose, son rôle est aussi de gérer la douleur qui est un symptôme modulable. Il joue un rôle clé qui doit être partagé avec le psychologue et le kinésithérapeute. »
Comment améliorer la prise en charge de l'arthrose ?
Céline Mathy rappelle que le recours à un psychologue est un axe important pour rendre le patient acteur de sa santé. « Consulter un psychologue ne signifie pas que la douleur n'est pas réelle ou qu'elle est dans la tête du patient. Au contraire, le praticien va, avec son patient, analyser l'impact de cette douleur, lever les préjugés et les peurs qui l'entourent, et l'aider à mettre en place de bonnes stratégies pour lutter contre cette maladie. » Pour Francoise Alliot Launois, vice-présidente de l'AFLAR, un axe fondamental est à souligner avec l'urgence de progresser pour mieux prendre en charge la douleur invalidante dans l'arthrose. En conclusion, le Dr Laurent Grange, le Pr Yves Henrotin et Céline Mathy soulignent l'importance de faire émerger l'arthrose devant l'urgence de la situation, pour provoquer enfin des changements, lutter contre les préjugés, diffuser l'information vers les patients, mais aussi vers les médecins
Avant l'âge de 40 ans
Les deux associations rappellent également que l'arthrose n'est pas une maladie affectant uniquement les personnes âgées. En effet, 36% des patients déclarent avoir éprouvé des douleurs arthrosiques avant l'âge de 40 ans. Les préoccupations manifestées par les patients ainsi que leurs attentes, telles qu'une meilleure information sur la maladie et un meilleur suivi médical, sont fondamentalement les mêmes que celles exprimées lors de l'enquête menée par l'AFLAR en 2013. Ce qui fait dire aux spécialistes de l'arthrose que sa prise en charge devrait être revue pour inclure, notamment, l'impact psychologique de la maladie sur le patient. En Belgique, 13,1% de la population souffrent d'arthrose, dont une majorité de femmes, selon la Fondation arthrose. La présence de la maladie est en outre plus élevée au sein des classes sociales défavorisées. L'arthrose est la maladie articulaire la plus répandue et la deuxième cause d'invalidité. Elle multiplie par 1,5 le risque de décès.
« Nous entendons trop souvent des patients arriver dans notre cabinet après avoir reçu une condamnation à perpétuité, en leur disant que l'arthrose est une maladie qui ne se soigne pas, qu'on va attendre dix ans avant d'envisager la chirurgie et qu'il faut souffrir sans solution ». Le Dr Laurent Grange, rhumatologue au CHU de Grenoble Alpes et président de l'AFLAR ne mâche pas ses mots en présentant les résultats d'une enquête menée auprès de plus de 3.000 patients français et belge, afin de connaître l'impact et l'influence de l'arthrose sur la qualité de vie des patients.
Conclusion majeure et décevante : « Les résultats de l'enquête montrent un immobilisme dans la prise en charge des patients arthrosiques. L'arthrose est pourtant une maladie grave avec une tendance alarmante à la hausse ». Si le Dr Laurent Grange et le Pr Yves Henrotin déplorent le peu d'innovation dans la prise en charge de la maladie et de ses traitements, il existe, néanmoins, une combinaison de traitements pharmacologiques et non-pharmacologiques, avec une approche personnalisée qui permet de soulager efficacement les patients.
Exemples de conseils à donner au patient dans la vie quotidienne : suivre un régime méditerranéen, au moins 14 jours par mois ; diminuer l'apport en graisses et en sucre ; favoriser les protéines d'origine animale, les acides aminés comme la leucine que l'on peut trouver sous forme de compléments alimentaires ; trouver des solutions pour s'adonner à ses activités favorites ; si vous aimez jardiner, cultivez vos plantes en hauteur dans des bacs ; si vous aimez aller au cinéma, installez-vous au dernier rang pour pouvoir vous lever et bouger si nécessaire.
Cet article a été écrit par Frédéric Soumois et initialement publié sur le site internet MediQuality.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé