Anti-TNF alpha : une répartition entre princeps et biosimilaires disparate selon les molécules

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Dans cette étude descriptive conduite à partir des données de santé françaises, le niveau de pénétration des anti-TNF alpha est disparate selon la molécule et la pathologie considérée.

  • Les taux d'initiation d’un biosimilaire et la transition du princeps au biosimilaire étaient supérieurs pour l’infliximab par rapport à l'adalimumab ou à l'étanercept. Ceci s’explique sans doute par le fait que ce médicament est exclusivement délivré à l'hôpital, structures favorisant l'achat de biosimilaires.

  • Le recours aux deux autres biosimilaires – ceux de l’étanercept et ceux de l'adalimumab- était plus faible, du fait d’une utilisation relativement faible en dermatologie et en gastro-entérologie. Il semble néanmoins que les biosimilaires de l'adalimumab, apparus plus tardivement sur le marché, aient bénéficié de l'expérience de l'étanercept, avec une adhésion plus rapide. Quant à son taux de pénétration plus rapide, il pourrait aussi avoir bénéficié du nombre plus important de produits biosimilaires disponibles.

Pourquoi est-ce important ?

Les données sur le niveau d'utilisation des biosimilaires des inhibiteurs du TNF-alpha (infliximab, étanercept, adalimumab) sont rares en Europe. Une étude française récente a montré que leur taux de pénétration était d’environ 80% mais elle ne concernait que les délivrances hospitalières.

Cette étude descriptive permet de mieux connaître le degré et la typologie des utilisations des trois molécules biosimilaires anti-TNF, en décrivant le profil de ceux qui ont initié un traitement anti-TNF avant ou après la commercialisation des biosimilaires. A partir de ces données, et l’identification de paramètres décrivant la difficulté à basculer d’un princeps à un biosimilaire, des actions spécifiques pourraient être envisagées.

Méthodologie

Cette étude a été conduite à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS). La date de début de collecte des données différait pour chacun des trois anti-TNF : 27 janvier 2015 pour les utilisateurs d'infliximab, 10 mai 2016 pour les utilisateurs d'étanercept et 9 octobre 2018 pour les utilisateurs d'adalimumab. Ont été inclus les patients adultes ayant initié un traitement par anti-TNF entre la date de début de l'étude et la fin de l’étude (30 septembre 2021) et ceux qui étaient déjà traités dans l’année précédant le début de l’étude (utilisateurs prévalents). L’objectif était d’avoir une évaluation comparée du taux de pénétration des biosimilaires dans ces deux populations.

Principaux résultats

Au total, les données de 115.656 patients ayant initié un traitement par anti-TNF et 217.756 utilisateurs prévalents ont été collectées.

Le taux d'initiation des biosimilaires augmentait progressivement à partir de leur commercialisation : celui relatif à l'infliximab a augmenté plus rapidement que celui relatif à l'étanercept et à l'adalimumab. À la fin du suivi, 94%, 66% et 60% des initiations d’infliximab, d’étanercept et d’adalimumab reposaient sur la prescription de biosimilaires. Durant la période de suivi, le taux de transition du princeps au biosimilaire était supérieur pour l'infliximab. Ainsi, le princeps ne représentait que 19% des prescriptions d'infliximab contre 61% et 63% pour l'étanercept et l'adalimumab.

Les nouveaux utilisateurs d'infliximab (52% de femmes, 44 ans en moyenne) étaient surtout traités pour des maladies inflammatoires de l'intestin (40% pour la maladie de Crohn et 21% pour la rectocolite hémorragique), puis pour des pathologies rhumatologiques (16% pour la spondylarthrite ankylosante, 8% pour la polyarthrite rhumatoïde, 2% pour le rhumatisme psoriasique).

Les nouveaux utilisateurs d'étanercept (63% de femmes, 51 ans en moyenne) étaient principalement traités pour des pathologies rhumatologiques (35% pour la spondylarthrite ankylosante, 42% pour la polyarthrite rhumatoïde, 6% pour le psoriasis rhumatoïde).

Enfin, les nouveaux utilisateurs d'adalimumab (55% de femmes, 44 ans en moyenne) étaient principalement traités pour des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (26% pour la maladie de Crohn et 14% pour la rectocolite hémorragique), et pour des pathologies rhumatologiques (25% pour la spondylarthrite ankylosante, 11% pour la polyarthrite rhumatoïde, 4% pour le psoriasis rhumatoïde).

Au cours du suivi, 35% des patients ayant initié l'infliximab sont passés à un biosimilaire dans les 1,6 an, et parmi eux, un cinquième a rebasculé sous la forme princeps dans les 6 mois suivants. Par ailleurs, 10% ont basculé sous biosimilaire d’étanercept ou sous biosimilaire d’adalimumab 1,6 ans après l'initiation, et près d'un tiers de chacun de ces sous-groupes de patients ont rebasculé vers le princeps moins de 6 mois plus tard.

Chez les utilisateurs prévalents d’anti-TNF, 46% des patients sous infliximab sont passés à un biosimilaire 3 ans après la date d’inclusion, dont un cinquième est retourné sous princeps dans les 6 mois. Parallèlement, 19% ont évolué d’un biosimilaire vers un autre de la même catégorie. Au cours des mêmes durées de suivi, 19% des utilisateurs prévalents d'étanercept sont passés à un biosimilaire, dont 37% sont retournés sous princeps et 4% ont basculé vers un autre biosimilaire. Enfin, pour les utilisateurs prévalents de l'adalimumab, ces chiffres étaient respectivement de 17%, 33% et 6% des patients.

L'initiation d’un biosimilaire et le passage du princeps au biosimilaire étaient plus fréquemment observés en rhumatologie que dans les autres spécialités. De plus, cette initiation a rapidement augmenté dès leur commercialisation, alors que le switch du princeps au biosimilaire a été plus modéré. Les caractéristiques des patients (sexe, âge, niveau économique, traitements antérieurs), ne semblent pas influencer l'utilisation des biosimilaires.