Anti-JAK : le sur-risque identifié de cancer est-il un effet de classe ?

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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À retenir

  • Selon une méta-analyse récente, le risque de tumeur maligne n’était pas différent pour les patients traités par anti-JAK par rapport à ceux sous placebo ou sous méthotrexate, dans une population de patients éligibles à ces traitements (maladies rhumatologiques, intestinales et dermatologiques inflammatoires chroniques).
  • Les anti-JAK étaient toutefois associés à une incidence plus élevée de tumeurs malignes par rapport aux anti-TNF dans ces mêmes indications. Les auteurs soulignent que cette observation est principalement portée par l'essai ORAL Surveillance, qui avait comparé le tofacitinib aux anti-TNF chez des personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde (PR), âgées de plus de 50 ans, et qui présentaient des facteurs de risque cardiovasculaire importants. « Si l'on exclut cette étude, les estimations de l'effet vont toujours dans le sens d'une incidence de tumeurs malignes plus élevée avec les anti-JAK qu'avec les anti-TNF, bien que cette différence ne soit plus statistiquement significative. »
  • Les événements restent rares avec un taux d'incidence global de 1 événement pour 100 personnes-années d'exposition. Aussi, « cette étude peut aider à influencer le choix du traitement lorsqu'il s'agit de décider entre un inhibiteur de JAK ou un inhibiteur de TNF, en particulier chez les patients présentant un risque accru de malignité ».

Pourquoi est-ce important ?

Les inhibiteurs de JAK sont des médicaments efficaces qui sont prescrits dans différentes pathologies chroniques rhumatologiques, intestinales et dermatologiques. À la suite des premières autorisations de mise sur le marché qui leur ont été accordées, des signaux sont apparus à type de surrisque de tumeurs malignes et d’événements cardiovasculaires majeurs dans une population âgée ayant des facteurs de risque. Une étude a donc été diligentée par la FDA (Food and Drug Administration) : l'étude ORAL Surveillance a ainsi comparé le tofacitinib aux anti-TNF, chez des adultes âgés de plus de 50 ans atteints de PR. À l’issue d’un suivi médian de 4 ans, l’incidence des cancers était plus élevée avec les anti-JAK hors cancers cutanés non mélanome versus les anti-TNF. Les cancers les plus fréquemment associés au tofacitinib étaient les cancers cutanés hors mélanome et le cancer du poumon.

La question du risque associé aux autres anti-JAK reste posée, et la généralisation de ces données aux personnes de moins de 50 ans et sans facteurs de risque cardiovasculaire supplémentaires également. Cette méta-analyse offre une photographie plus exhaustive des éléments de vigilance à avoir concernant cette classe thérapeutique.

Méthodologie

Toutes les études cliniques de phase II à IV, ayant évalué l’efficacité et la tolérance des différents inhibiteurs de JAK dans les pathologies ciblées, et publiées avant décembre 2022 ont été incluses dans la revue et utilisées pour la méta-analyse : tofacitinib (5 ou 10 mg 2/j ou 11 mg 1/j, baricitinib 2 ou 4 mg 1/j ; upadacitinib 15 ou 30 mg 1/j ; filgotinib 100 ou 200 mg 1/j ; peficitinib 100 ou 150 mg 1/j). Le critère principal était l'incidence cumulée de tumeurs malignes, y compris l’ensemble des cancers cutanés.

Principaux résultats

Au total, 62 essais contrôlés randomisés ont été inclus, ainsi que 16 études d’extension à long terme dont 56 avaient été conduites versus placebo, et 10 versus anti-TNF.

Sur l’ensemble des études, ont été identifiées 497 cas de tumeurs malignes, soit un taux d'incidence de 1,15 cancer pour 100 personnes-années d'exposition (PA). Un taux qui s’élevait à 1.189 cas dans les études d’extension (1,26 cancer pour 100 PA).

Selon la méta-analyse en réseau combinant les données des études cliniques et d’extension, le risque de tumeur maligne le plus faible était associé aux anti-TNF, puis au placebo, au méthotrexate et enfin aux anti-JAK. Celle de la méta-analyse en réseau versus placebo n’a pas montré de différence significative entre le risque global de tumeur sous anti-JAK et sous placebo (0,71 [0,44 -1,15]). Les conclusions étaient comparables lorsque les tumeurs étaient subdivisées entre tumeurs malignes hors tumeurs cutanées non mélanome, ou limitées à ces dernières uniquement.

Aucune différence n’a été identifiée concernant l'incidence des tumeurs malignes selon le type d’inhibiteur de JAK versus placebo, dans les études cliniques seules ou combinées aux données d’extension, mais l’incertitude était élevée. Par rapport aux anti-TNF, les inhibiteurs de JAK sont associés à une incidence significativement plus élevée de toutes les tumeurs malignes, dont les tumeurs cutanées non mélanome (rapport des taux d’incidence 1,50 [1,16-1,94]). Par rapport au méthotrexate, ils n’étaient pas associés à un risque différent (RTI 0,77 [0,35 -1,68]), y compris après prise en compte des études d’extension (RTI 1,06 [0,58 -1,94]).