Antalgiques opioïdes : les Français sont conscients du risque d’addiction, sauf pour eux-mêmes…

  • Lavergne J & al.
  • Eur J Pain

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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Si la France n’est pas concernée par la crise des opioïdes à laquelle font face les États-Unis depuis plusieurs années, le recours aux antalgiques opioïdes s'est malgré tout largement développé. Bien que la prescription de ces médicaments soit réglementairement encadrée, il existe un risque d’addiction, illustré par l’augmentation de 167% des cas d’overdoses liés à des opioïdes délivrés sur prescription entre 2000 et 2017 en France. Mais pour l’heure, la perception de la population générale du risque d’addiction aux antalgiques opioïdes pour usage médical n’est pas connue en France. Aussi, les investigateurs de la cohorte GrippeNet.fr ont conduit une étude observationnelle transversale auprès de ses 10.000 participants.

Méthodologie

GrippeNet.fr est un site permettant de surveiller les syndromes grippaux en population générale, qui invite les participants à remplir un questionnaire de façon hebdomadaire pour déclarer leur état de santé générale et l’existence d’éventuels symptômes. Les 10.000 personnes inscrites participent de façon volontaire et anonyme, en remplissant un questionnaire initial sur leurs caractéristiques sociodémographiques, puis un questionnaire proposé de façon hebdomadaire sur la période hivernale. Pour cette étude, un questionnaire complémentaire leur a été posé en mai 2020, comportant des questions sur leurs antécédents de consommation de médicaments opioïdes, leur connaissance et leur perception du risque d’addiction à ces médicaments.

Principaux résultats

Le questionnaire a été rempli par 5.046 participants (52,5% de femmes, âge moyen 56 ans). Parmi eux, 36,1% avaient été traités par un antalgique opioïde dans les 2 dernières années (96,3% par des opioïdes faibles, 11,8% par des opioïdes forts).

Au total, ils étaient 65% à penser que la consommation d’antalgiques opioïdes peut probablement ou très probablement entraîner une addiction (13,6% de sans réponse). Pourtant, 71,1% de ceux qui avaient pris de tels médicaments dans les 2 précédentes années déclaraient ne pas être inquiets de ce risque pour eux-mêmes. L’analyse multivariée a permis d’observer que le fait d’avoir plus de 50 ans était associé à une perception du risque d’addiction à ces traitements plus élevée que les autres ; à l’inverse, le fait d’avoir des antécédents de prescription d’opioïdes était associé à une perception plus faible. Par ailleurs, le fait d’avoir un niveau d’étude élevé ou d’avoir déjà été traité par opioïdes était associé à une perception de leur propre risque d’addiction moins élevée que les autres.

Le niveau d’information sur le sujet était variable : ils étaient 22,3% et 31,3% à avoir vu un reportage ou lu un article sur le sujet dans les deux dernières années et, parmi ceux qui avaient déjà pris de tels médicaments, 29,5% disaient que le risque avait été évoqué avec le prescripteur en consultation (avec ou sans utilisation d’un score de risque). Or, l’analyse multivariée permet de montrer que le fait d’avoir bénéficié d’une information par l’un ou l’autre de ces canaux était associé à une perception du risque d’addiction plus élevée que les autres.