AMM controversée pour l’aducanumab dans la maladie d’Alzheimer aux Etats-Unis
- Deborah Brauser
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a accordé une AMM à l’anticorps monoclonal aducanumab (Aduhelm, Biogen/Eisai) dans le traitement de la maladie d'Alzheimer (MA), sans tenir compte de la recommandation de son propre groupe consultatif de ne pas l’approuver et suscitant, de fait, une importante controverse.
L'aducanumab, premier anticorps à cibler le peptide amyloïde bêta mis en cause dans la maladie d’Alzheimer, est aussi le premier nouveau traitement autorisé dans la maladie d’Alzheimer depuis 18 ans.
Il a fait l’objet d’une procédure d’autorisation accélérée, réservée aux traitements offrant un avantage thérapeutique significatif par rapport aux traitements existants pour une maladie grave ou potentiellement mortelle.
Cependant, dans le cadre de cette procédure, la FDA exige que Biogen mène un nouvel essai clinique randomisé et contrôlé pour confirmer le bénéfice clinique du médicament. Dans un communiqué, l'agence a déclaré que si le médicament ne montrait pas d'avantage clinique dans cet essai, elle avait la possibilité de retirer son approbation.
Contre l’avis de son comité consultatif…
En novembre 2020, le comité consultatif sur les médicaments du système nerveux central et périphérique a voté à huit voix contre une, contre l'approbation du médicament arguant que, sur la base des résultats des essais cliniques, les preuves d'efficacité n'étaient pas suffisamment solides. Deux autres membres ont voté « blanc ».
Malgré cela, la FDA a octroyé une AMM, en précisant que l'approbation octroyée s’appuyait sur trois études randomisées réalisées en double aveugle colligeant les données de 3.382 patients atteints de la MA.
D’après la FDA, les personnes recevant le médicament avaient une réduction significative de la plaque bêta-amyloïde corrélée à la dose et à la durée de traitement, tandis que celles du groupe témoin n'avaient aucune réduction de la plaque amyloïde.
« Les thérapies actuellement disponibles ne traitent que les symptômes de la maladie ; cette option de traitement est la première thérapie à cibler et à impacter le processus pathologique sous-jacent de la maladie d'Alzheimer », a indiqué le Dr Patrizia Cavazzoni, directrice du Centre d’évaluation de recherche des médicaments de la FDA.
Un chemin semé d’embuches
La route vers l'approbation du traitement n’a pas été un long fleuve tranquille.
Tel que rapporté précédemment par Medscape, deux essais de phase 3 évaluant le médicament ont été initialement abandonnés en mars 2019 en raison d'une analyse de futilité (qui simule le résultat probable de l’étude à partir des données des premiers patients inclus). Celle-ci suggérait, après 18 mois de traitement chez 1.748 patients, que le traitement était inefficace. À l'époque, Biogen avait publié une déclaration indiquant qu'il était peu probable que l'aducanumab réponde aux critères d'évaluation principaux dans les essais contrôlés randomisés ENGAGE et EMERGE.
Cependant, faisant volte-face 7 mois plus tard, Biogen et Eisai ont annoncé qu'une nouvelle analyse de l’essai EMERGE (n=2.066) montrait que le médicament avait atteint son critère d’évaluation principal : la réduction du déclin cognitif (-23%, p=0,01) dans le groupe traité à l’aducanumab par rapport au groupe placebo mais aussi un effet sur le ralentissement de l’aggravation de la capacité à réaliser des activités quotidiennes (-46 %).
Un an plus tard, une majorité des membres du comité consultatif de la FDA se sont prononcés contre l'approbation du médicament. L’argumentaire de cette décision a été publié en ligne le 30 mars dans le Journal of the American Medical Association.
Dans cet éditorial, trois des membres du comité ont souligné qu’il n’y avait « aucune preuve convaincante pour soutenir l'approbation de l'aducanumab à l'heure actuelle ».
En parallèle, le groupe de défense d'intérêts des citoyens Public Citizen's Health Research Group a critiqué la FDA pour sa collaboration rapprochée avec les laboratoires fabriquant le médicament. Et, le 1er avril, le groupe a même demandé la suspension temporaire du responsable des neurosciences de la FDA, le Dr Bill Dunn en raison de son rôle dans la supervision de la collaboration.
L’Association Alzheimer applaudit la décision de la FDA
A contrario, aux Etats-Unis, l'Association Alzheimer a soutenu le médicament tout au long de son développement.
Avant l'annonce de l’AMM, l’association a indiqué dans un communiqué qu'un feu vert de la FDA « serait historique » car elle ferait de l'aducanumab « le premier médicament pour ralentir la maladie d'Alzheimer » et marquerait le début d'un nouvel avenir pour les traitements de la MA.
« L'Association Alzheimer soutient urgemment l'approbation du traitement par la FDA sur la base des résultats des essais cliniques qui ont montré une réduction de 22% du déclin cognitif et fonctionnel - quelque chose qui pourrait faire une différence significative » pour les patients atteints de MA, a-t-elle précisé.
Dans une nouvelle déclaration, l'Association Alzheimer a applaudi l'approbation du médicament.
« Cette AMM de la FDA inaugure une nouvelle ère dans le traitement et la recherche contre la maladie d'Alzheimer », a déclaré le Pr Maria C. Carrillo,directrice scientifique de l'Association Alzheimer US. « L'histoire nous a montré que les approbations du premier médicament d'une nouvelle classe dynamisent la recherche, augmentent les investissements dans de nouveaux traitements et encouragent une plus grande innovation. Nous avons bon espoir et c'est le début, à la fois pour ce médicament et pour de meilleurs traitements contre la maladie d'Alzheimer ».
Cet article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre « FDA Approves Controversial Alzheimer's Drug Aducanumab (Aduhelm) ». Adapté par Aude Lecrubier.
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