AIDS 2022 – La technologie ARNm permettra-t-elle de créer un vaccin contre le VIH ?

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À l’occasion d’une session intitulée « L’ARNm permettra-t-il de créer le vaccin anti-VIH tant attendu ? », coprésidée par Susan Buchbinder (États-Unis) et Georgia Tomaras (États-Unis), des experts ont discuté des similitudes et des différences entre le développement d’un vaccin à ARNm contre le VIH et le SARS-CoV-2 et de la manière dont une batterie d’essais cliniques actuellement menés témoigne du renouveau de l’intérêt pour l’utilisation de cette technologie contre le VIH, en raison de son succès dans la lutte contre la COVID-19.

Défis et perspectives (Lynn Morris, Afrique du Sud)

Alors que les scientifiques du monde entier placent leurs espoirs dans la technologie ARNm pour créer un vaccin contre le VIH, il ne faut pas oublier que, contrairement au SARS-CoV-2 qui a un génome relativement stable et déclenche le développement d’anticorps neutralisants (AcN) en quelques semaines, le génome du VIH est hautement mutable et met des années à susciter une réponse des AcN à large spectre (AcNLS). Le choix de l’immunogène constitue un autre obstacle, car la glycoprotéine de l’enveloppe du VIH est un complexe fortement glycosylé qui suscite une réponse composite, comparativement à celle de la protéine Spike du SARS-CoV-2. Cependant, en raison de ses propriétés uniques, telles que (a) l’expression endogène des glycoprotéines d’enveloppe natives, (b) la stimulation immunitaire pendant un maximum d’une semaine, (c) l’administration par des nanoparticules dans les cellules immunitaires pertinentes, entraînant ainsi des réponses humorales et des lymphocytes T auxiliaires folliculaires, (d) un développement et une modification faciles, et (e) un profil de sécurité supérieur, l’ARNm pourrait être à la hauteur des attentes. Avec des processus parallèles et une implication importante de l’industrie, comme pour le vaccin contre la COVID-19, la recherche permettrait d’accélérer le développement d’un vaccin contre le VIH.

Les essais IAVI/Moderna sont porteurs d’espoir (Bill Schief, États-Unis)

Le Dr Schief donne un aperçu des antigènes du vaccin contre le VIH en cours de développement clinique, sous l’égide d’un partenariat entre l’Initiative internationale pour un vaccin contre le SIDA (International AIDS Vaccine Initiative, IAVI) et Moderna. L’essai de phase I IAVI G001 est le premier test chez l’homme visant à développer un schéma vaccinal en plusieurs étapes qui fournit une protection contre le VIH en stimulant différents types d’AcNSL par « ciblage germinal ». L’immunogène eOD-GT8 60mer associé à AS01B (un adjuvant puissant) était sûr et bien toléré et, après une à deux injections, a induit la réponse souhaitée des lymphocytes B (anticorps de classe VRC01) chez 97 % des receveurs. De plus, la deuxième vaccination a augmenté les taux de mutation et les affinités. IAV G002 propose le concept suivant : il déterminera si un rappel supplémentaire avec un immunogène codé par ARNm (Core-g28v2 60mer) induit une maturation supplémentaire des lymphocytes B après GT8 codé par ARNm. Un autre essai de phase I, IAVI G003, a été lancé récemment en Afrique du Sud et au Rwanda afin d’évaluer si GT8 codé par ARNm évalué dans le cadre de l’essai IAV G002 au sein d’une population américaine entraîne des réponses similaires au sein d’une population africaine.

Lorsqu’on lui a posé des questions sur l’existence d’un plan B, le Dr Schief a semblé optimiste quant au fait que l’ARNm soit une technologie non statique, et que l’ajustement des formules d’ARNm pourrait permettre d’obtenir de meilleures réponses à l’avenir.

Évaluation des trimères natifs (Sharon Riddler, États-Unis)

La Dre Riddler présente la méthodologie de l’étude multicentrique de phase II HVTN 302 actuellement menée afin d’évaluer si les vaccins à ARNm des trimères du VIH BG505 MD39.3, BG505 MD39.3 gp151 et BG505 MD39.3 gp151 CD4KO, sous forme soluble ou liée à la membrane, sont sûrs et bien tolérés chez les personnes non infectées par le VIH, et s’ils déclenchent la production d’AcN autologues. Au total, 108 participants adultes en bonne santé, répartis dans 6 groupes de 18 participants chacun, recevront 100 ou 250 μg de l’un des 3 vaccins, et les 12 premiers participants de chaque groupe seront évalués pour la sécurité d’emploi 2 semaines après la première vaccination. La mise en œuvre d’un plan d’augmentation de la dose impliquera le recrutement pour des groupes à forte dose après que les critères de sécurité d’emploi auront été remplis dans les groupes à faible dose. Bien que les résultats de l’analyse principale soient attendus d’ici début 2023, les données préliminaires d’immunogénicité pourraient être disponibles plus tôt.

Le succès de la lutte contre la COVID-19 est une source d’inspiration (Georgia Tomaras, États-Unis)

La Dre Tomaras a commencé par aborder les stratégies générales sur lesquelles s’appuie le développement d’un vaccin contre le HIV-1 : l’induction des lymphocytes T CD8+ qui tuent les cellules infectées par le VIH-1, les Ac non neutralisants qui protègent contre la transmission du VIH-1 et les AcNLS. Bien que l’induction des AcNLS soit l’objectif ultime en raison de leur corrélation inverse avérée avec le risque de VIH, la vaccination n’a pas encore permis d’atteindre cete objectif et cette réponse est rarement provoquée par une infection. En revanche, l’infection par le SARS-CoV-2 et la vaccination contre ce virus peuvent facilement déclencher la production d’AcN efficaces. Les études en cours sur un vaccin à ARNm contre le VIH visent à augmenter la puissance et l’ampleur des AcN afin de médier d’abord la neutralisation autologue, puis hétérologue, et de maximiser la spécificité ciblée de l’épitope et de minimiser la spécificité hors cible de l’épitope.

Ensuite, elle est revenue à nouveau sur les autres différences notables abordées par la Dre Morris : la diversité du VIH-1 et la complexité des épitopes, nettement plus élevées que dans le cas du SARS-CoV-2. Au-delà de ces différences, les leçons tirées des essais réussis sur l’efficacité de vaccins candidats contre le VIH ont été mises en application pour faire avancer le développement du vaccin contre le SARS-CoV-2, ce qui a finalement permis de mettre en circulation des vaccins sous un an. De futurs essais cliniques pourraient donner des résultats satisfaisants dans le cadre du VIH.