Aides aux complémentaires santé : une redistribution inégalitaire

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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En France, la quasi-totalité de la population est couverte par une assurance complémentaire santé, grâce aux dispositifs mis en place pour les ménages les plus modestes. Jusqu’en 2019, il s’agissait de la CMU-C (Couverture maladie universelle complémentaire), gratuite, et de l’ACS (Aide au paiement d’une complémentaire santé), versée aux personnes ayant des revenus immédiatement supérieurs à ceux permettant l’éligibilité à la CMU-C. Depuis, ces dispositifs ont été remplacés par la CSS (Complémentaire santé solidaire). De plus, les contrats souscrits par l’employeur pour l’ensemble de ses salariés sont obligatoires depuis 2016. Un travail de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), basé sur son modèle de micro-simulation Ines-Omar, permet de faire le point sur les effets de ces dispositifs sur les inégalités de revenus.

Les complémentaires santé participent à une redistribution verticale : sur l’échelle des revenus, il y a un écart entre la distribution des cotisations versées et les remboursements perçus. Mais cette redistribution est beaucoup plus faible que celle opérée par l’assurance maladie obligatoire. Néanmoins, les complémentaires jouent un rôle important dans l’accès financier aux soins : les prestations versées par la CMU-C s’élevaient en moyenne à 403 euros par an et par bénéficiaire en 2017.

En ce qui concerne les contrats d’entreprise, le taux de prise en charge de la cotisation par l’employeur et la qualité des couvertures proposées sont plus élevés dans les entreprises de grande taille et les secteurs à forte valeur ajoutée, tandis que les salariés les plus précaires sont les plus touchés par les exemptions d’obligation. Le montant moyen de participation employeur par salarié du secteur privé s’échelonne de 201 euros par an parmi les 10% les plus modestes à 523 euros parmi les 10% les plus aisés. 

La participation de l’employeur (assimilée à un surcroît de rémunération et donc imposable à l’impôt sur le revenu) bénéficie d’un forfait de cotisation sociale nul pour les très petites entreprises et de seulement 8% pour les autres. Quant à la part du salarié, elle est retirée de son assiette d’impôt sur le revenu (IR). En définitive, l’effet de l’abattement d’IR est pratiquement nul pour les 40% les plus modestes (qui ne paient pas d’IR), tandis que les personnes au-dessus du dernier décile de niveau de vie en bénéficient six fois plus que celles proches du niveau de vie médian.

La cotisation à une complémentaire santé des indépendants est déductible de leur assiette d’IR. Pour les 80% les plus modestes, le bénéfice est négligeable. En revanche, il s’élève en moyenne à 703 euros pour les ménages du dernier dixième de niveau de vie.

Au total, si les 20% les plus modestes sont fortement soutenus, les ménages des classes moyennes inférieures (au-dessus des 20% les modestes, mais en dessous du niveau de vie médian) perçoivent en moyenne moins d’aides que la moitié de la population la plus aisée. De plus, les personnes retraitées non éligibles à la CSS doivent s’acquitter des cotisations de complémentaire santé les plus élevées du fait de leur âge. Ainsi la distribution des aides à la complémentaire santé suit une courbe en U aplatie, avec des valeurs élevées pour les déciles les plus faibles et pour les plus aisés.