Adolescents et jeunes adultes : des soirées alcoolisées bien codifiées
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
La première enquête ARAMIS (Attitudes, représentations, aspirations et motivations lors de l’initiation aux substances psychoactives), réalisée entre 2014 et 2017, avait montré « la méconnaissance des risques sanitaires et l’ambiguïté récurrente entre messages de prévention et publicité autour de l’alcool. » Qu’en est-il 4 à 6 ans ans plus tard ? Pour répondre à cette question, l’enquête ARAMIS 2 a collecté les données de 122 entretiens menés entre 2020 et 2021 auprès de 133 personnes : adolescents (15-18 ans), jeunes adultes (18-23 ans) et parents de mineurs (15 à 17 ans).
Soirées alcoolisées : des moments de socialisation déterminants
Selon les jeunes qui ont été enquêtés, Les soirées constituent des moments de sociabilité déterminants, renforçant les affinités et répartissant les positions sociales des participants, dans le groupe (prestige de l’organisateur) et entre groupes (selon la facilité d’achat d’alcool et les possibilités de mobilité spatiale). « Les variations qui se jouent ne concernent pas tant les quantités et la fréquence d’alcoolisation (homogènes chez les enquêtés aux appartenances sociales diverses) que les lieux choisis, les manières de boire et les produits utilisés. » Il existe ainsi des distinctions nettes entre, par exemple, « milieu rural pauvre et milieu urbain et ‘bourgeois’, » fréquentation d’un lycée professionnel ou d’un lycée général, ou fréquentation de lieux publics différents (bars, boîtes de nuit, salles de concert ou extérieur). Les jeunes les moins mobiles constituent les groupes les plus fermés.
Les logiques de dons/contre-dons sont au fondement de l’intégration au groupe, traduisant l’intensité des liens et le « respect » témoigné à l’organisateur de la soirée (par exemple, apporter une bouteille de vin). La famille joue un rôle important dans l’approvisionnement en alcool, dans une logique du « bien boire ».
Les moments d’ivresse partagée font l’objet de récits constituant une mémoire du groupe, avec homogénéisation des représentations. Les jeunes ne respectant pas les normes du groupe sont isolés, voire exclus en cas de comportement inapproprié répété.
Une perception du risque surtout à court terme
L’appréhension du risque est avant tout celle des « interactions sociales malencontreuses : violences, propos incohérents, etc ». Les risques sanitaires à long terme sont rarement pris en compte. En revanche, les risques à court terme font l’objet de régulations, qu’ils soient sociaux (perdre la face), « internes » (se faire mal, provoquer un accident de la route ou une bagarre) ou « externes » (se faire agresser) : certains comptent le nombre de verres bus, d’autres guettent les effets de l’alcoolisation (avec l’illusion de contrôler).
Les risques ne sont pas distribués de manière équivalente chez les filles et les garçons. Les premières « doivent se conformer aux attentes sociales définies par leur genre », leurs pertes de contrôle sont nettement moins bien perçues que celle des garçons, qui leur assènent souvent des impératifs contradictoires, les incitant à consommer tout en les maljugeant si elles se laissent aller. Aussi les filles sont-elles très vigilantes aussi bien avant les soirées (qu’elles sélectionnent) qu’ensuite (prévoir comment rentrer chez soi).
Les régulations sont fréquemment collectives, avec distribution des rôles (par exemple, désignation du « Sam » qui ne boit pas, fonction de gardes du corps par les garçons, rôle de « maman » de certaines filles pour s’occuper de ceux et celles qui ne vont pas bien, etc).
Tous les enquêtés soulignent la très grande facilité pour se procurer de l’alcool, y compris les mineurs.
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