Addiction aux jeux chez la personne âgée, un engagement progressif vers la dépendance
- Thomas P et al.
- Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie
- Agnès Lara
- Résumé d’article
À retenir
- L’addiction aux jeux d’argent se développe de façon inquiétante chez les personnes âgées et menace leur autonomie financière.
- L’engagement dans le jeu est progressive et se réalise en trois phases au cours desquelles la personne perd peu à peu son contrôle cognitif et sa liberté d’agir.
- Certaines populations sont plus vulnérables à un comportement addictif, en lien avec la présence de facteurs psychosociaux comme l’appartenance à une minorité, un faible niveau d’éducation ou de revenus, l’isolement, la dépression, etc.
Actuellement la pratique des jeux d’argent concerne de 0,4 à 11% des seniors et tend à se féminiser pour atteindre un sexe ratio de 1. Avec la facilitation de l’accès aux lieux de jeux (Internet et autres), des moyens de paiement, et la valorisation sociale du jeu, l’addiction aux jeux d’argent se développe de façon inquiétante chez les personnes âgées, mettant en danger leur autonomie financière. Le sujet est d’autant plus préoccupant que la dépendance s’installe plus vite chez les sujets âgés que chez les plus jeunes. À partir de quand passent-elles du plaisir librement consenti à l’aliénation psychologique que représente l’addiction « sans substances » ? Quels sont les mécanismes qui entrent en jeu ? Telles sont les questions que des chercheurs de l’Université de Limoges et du CHRU de Brest ont passé en revue au travers des données de la littérature.
L’objet du désir
Les motivations peuvent être d’origine intrinsèque comme la recherche de plaisir, une histoire personnelle ou familiale d’addiction amenant à s’identifier à un proche ou alimentant l’espoir de retrouver des sensations éprouvées plus jeunes ou avec d’autres addictions (alcoolisme notamment). Les motivations peuvent aussi être extrinsèques comme l’appât du gain, cité par 62% des personnes malgré son caractère hypothétique. Ce sont celles qui prédominent. Les facteurs psychosociaux jouent là un rôle important : appartenance à une minorité, faible niveau d’études ou de revenus, personnes isolées, dépressives, etc. Ils constituent une vulnérabilité aux incitations marketing qui jouent sur l’aspect valorisant et lucratif du jeu, sur le sentiment d’appartenance à une communauté ou à un groupe social, facilitant ainsi le passage du jeu récréatif à la dépendance. Des questionnaires existent pour dépister les personnes âgées à risque de jeu excessif.
L’entrée dans le jeu
Les auteurs expliquent que l’engagement dans le jeu est progressif et s’établit en 3 phases passant d’une recherche de plaisir (ludique), à une utilisation excessive, puis à une consommation addictive, les limites étant assez floues. La première, non pathologique, est décrite comme une phase de pré-engagement qui ne conduit pas nécessairement aux deux autres. La personne âgée trouve du plaisir dans le jeu, parfois une satisfaction existentielle comme fuir la solitude, oublier un deuil, combler un vide ou améliorer sa retraite. Mais elle reste libre de ses choix et notamment de se retirer du jeu lorsqu’elle le souhaite.
L’entrée dans l’excès
Sous l’influence des motivations décrites plus haut, l’engagement dans le jeu peut devenir progressivement excessif. L’investissement dans les autres champs d’intérêt se réduit au fur et à mesure que la passion pour le jeu augmente. Le réalisme s’efface peu à peu face à l’espoir irrationnel d’un gain dont le côté hypothétique n’est plus pris en compte. De fausses croyances viennent anesthésier le contrôle cognitif, par exemple « si je double chaque fois la mise sur les blancs, ils vont finir par sortir et je rentrerai dans mes fonds » ou « plus je joue et plus j’ai de chances de gagner, donc il faut que je continue à jouer ». Des pratiques superstitieuses supposées améliorer les chances de gain (jouer de la main gauche, souffler sur les dés, etc.) et des rituels se mettent en place qui installent le joueur dans ses pratiques, et ce quel que soit le niveau d’instruction. Ces croyances erronées et l’accumulation des dettes précipitent alors le passage du jeu excessif au jeu addictif. C’est souvent à ce stade que le dysfonctionnement est découvert par la famille.
Addiction et perte de contrôle
Dans la phase dite de « post-engagement », le discernement est altéré et la personne âgée n’est plus libre de ses choix. Le plaisir a disparu, seul reste l’espoir incontournable de récupérer ce qui a été perdu. Les autres secteurs de la vie sont désinvestis et malgré le mal-être et le stress qui apparaissent dès que la personne cesse de jouer, l’arrêt du jeu n’est pas perçu pas comme une issue possible. La métacognition, c’est-à-dire le regard porté sur ses propres processus mentaux, a disparu et la personne a perdu le contrôle de sa vie. Les valeurs qui sont à la base du lien social avec les proches ou les amis sont négligées, ouvrant la possibilité de transgression diverses pouvant aller jusqu’au suicide ou aux pratiques illégales.
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