Accompagnement des enfants transgenres : expériences de groupes

  • Nathalie Barrès
  • Résumé d’article
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Dès 2012, les recommandations de la WPATH (World Professional Association for Transgender Health) ont affirmé que « le vécu transidentitaire relève d’une question de diversité et non de pathologie. » Les transitions sociales, médicales, médico-chirurgicales, sont des choix qui visent à réduire le décalage ressenti par le sujet afin d’accéder à un mieux-être. Bien que la transidentité ne soit plus considérée comme un trouble psychiatrique, nombreux sont les enfants et adolescent.e.s concernés qui présentent une vulnérabilité à en développer un. L’identité de genre renvoie à tout un processus psychique d’appropriation, de perception des caractères sexués externes et du sens qui leur est donné. Ces questionnements autour de la transition de genre impliquent bien évidemment les sujets en demande, mais également leurs parents.

Quelle place pour une prise en charge en groupe ?

Les modalités de prise en charge s’appuient sur des recommandations émises par des sociétés internationales. L’accompagnement des parents reste cependant encore aujourd’hui trop souvent mis de côté. 

Un article publié dans Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence fait le point de la littérature scientifique sur la mise en place de groupes thérapeutiques proposant l’accompagnement des enfants transgenres et/ou en questionnement, en distinguant des groupes d’enfants, d’adolescents et de parents. Les articles les plus anciens datent de 1973, ce qui montre qu’il s’agit d’un sujet qui intéresse la communauté scientifique depuis plusieurs décennies. La prise en charge décrite pour ces enfants pourrait aujourd’hui être qualifiée de « traitement de conversion ». Une évolution des objectifs s’est faite au cours du temps, laissant de côté à partir de 1991 la volonté de modifier les comportements attribués au genre non assigné à la naissance. Un tournant majeur apparaît en 2002 avec Rosenberg qui part du postulat que « toutes tentatives qui vont dans le sens de réduire les comportements attribués au genre non assigné de l’enfant ne font qu’augmenter le vécu dysphorique. » Une amélioration de l’anxiété et des troubles du comportement sont alors constatés. Yalom développe une prise en charge psychothérapique de groupe constituant une référence théorique du dispositif de groupe dans la littérature.

Les publications les plus récentes soulignent l’importance de la réduction de l’isolement social. Les dispositifs de groupe semblent contribuer à faire en sorte que les enfants et adolescents améliorent leur estime de soi, diminuent leur anxiété, et augmentent leurs capacités d’adaptation à l’environnement social et scolaire. Les groupes de parents prennent appui quant à eux, sur le fait qu’améliorer le vécu des parents contribue au bien-être de l’enfant.

Le dispositif d’accompagnement en groupe mis en place à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière

Les consultations spécialisées sur l’accompagnement des enfants et adolescent.e.s en questionnement transidentitaire sont ouvertes depuis 2014. Elles accueillent aujourd’hui environ 150 jeunes de 3 à 20 ans chaque année. C’est en 2017 que le dispositif de groupe a été mis en place au vu de l’expérience étrangère sur le sujet et pour répondre à la demande croissante. Ce dispositif accueille les enfants de 7 à 11 ans, il s’agit d’un groupe « ouvert » aux nouve.aux.lles arrivant.e.s au fil de l’eau. Les parents participent à d’autres groupes spécifiques. Pour ces derniers, il s’agit plus d’un soutien et d’un transfert d’informations que d’une guidance parentale. Ce dispositif de groupes parallèles vise à réduire les troubles co-occurrents lorsqu’ils sont présents et l’isolement social de l’enfant. Il permet aussi aux parents d’acquérir une capacité d’ajustement aux situations rencontrées par leur enfant. Les groupes ne visent ni à convaincre de la pertinence d’une transition, ni à la mettre absolument à distance. La discussion s’appuie sur les difficultés que peuvent rencontrer parents et enfants dans leurs relations et sur l’adaptation aux expériences de discrimination et/ou de rejet potentiellement rencontrées.

À la demande des patients, le rythme des séances est augmenté à l’issue de la première année exploratoire pour passer de 4 séances annuelles à une séance mensuelle. Autre changement, certains outils utilisés initialement sont abandonnés au profit d’une médiation corporelle par le « jeu du faire semblant. » Ce dernier offre au sujet un terrain de jeu sans enjeu, laissant s’animer les affects, les sentiments, les émotions réelles.

Les auteurs évoquent que, chez l’adolescent.e, la stigmatisation liée au genre multiplierait par cinq le risque de développer un syndrome dépressif par rapport à la population générale adolescente. Ils soulignent ici l’importance d’un soutien médical et psychologique des sujets en demande de transition de genre et de leurs parents.