Abus de dépassements d'honoraire : que risquent les médecins ?

  • Jean-Bernard Gervais
  • Actualités professionnelles
L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte. L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte.

Depuis plusieurs mois des médecins pratiquent des dépassements d'honoraires de 5 euros, voire plus. Pour plusieurs raisons : certains essaient de compenser la hausse de l'inflation 1, comme ce collectif de médecins ardennais, ou d'autres augmentent le coût de la consultation pour faire acte de résistance contre "la restructuration de la profession" : entendez par là le vote de la loi Rist 3, qui accorde un accès direct aux patients (dans certains cas de figure) pour les kinés et les infirmiers de pratique avancée (IPA), ou la proposition de loi Valletoux 4, qui réorganise l'accès aux soins dans les territoires de santé. Mais ces dépassements « sauvages » ne sont pas sans danger, comme le rappelle la Fédération des médecins de France (FMF) 5

Dépassements exceptionnels

La convention médicale autorise les médecins à des dépassements d'honoraire exceptionnels (DE), mais uniquement dans certains cas définis par le texte conventionnel : « En cas de circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade non liée à un motif médical, le praticien peut facturer un montant supérieur au tarif opposable uniquement pour l'acte principal qu'il a effectué et non pour les frais accessoires. » 

Régime de sanctions

Si ces circonstances ne sont pas réunies, ces DE peuvent être sanctionnés. C'est l'article 85 du règlement arbitral qui définit le régime de sanctions qui prévaut en cas d'abus de DE. Plus précisément il faut se reporter à l'annexe 24 du règlement pour retrouver en détail les différentes étapes du régime de sanction appliqué aux médecins pratiquant les DE sans discernement. Dans un premier temps, comme le rappelle la FMF, après avoir constaté la matérialité de l'abus de DE, le médecin (de secteur 1) fautif reçoit un courrier d'avertissement. Si le médecin, malgré ce premier avertissement, continue de facturer des dépassements exceptionnels, alors l'assurance maladie « engage une procédure conventionnelle ». De quoi s'agit-il ? L'assurance maladie donne deux mois au médecin pour justifier ces dépassements. 

Convocation d’une commission paritaire locale

Si elle n'est pas convaincue, alors elle convoque une commission paritaire locale (CPL) dans les deux mois qui suivent la réponse du médecin incriminé. À l'issue de la réunion de la CPL, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) prononce (ou non) une sanction, sous la forme d'une absence de prise en charge des cotisations sociales pendant un à trois mois. Cette sanction est notifiée au plus tard deux mois après la réunion de la CPL. Le médecin sanctionné a toutefois la possibilité de faire appel de cette sanction devant une commission paritaire régionale (CPR). Quoi qu'il en soit, durant les six mois qui suivent la sanction, le médecin reste sous surveillance de l'assurance maladie. En cas de récidive, une nouvelle procédure conventionnelle peut être lancée. La sanction, si elle est prononcée, est plus lourde : il est alors question d'une suspension de la prise en charge des cotisations sociales pendant six mois. Là encore, le médecin peut faire appel de la sanction. 

Déconventionnement

Et, en cas de troisième récidive, alors la CPAM peut demander le déconventionnement du médecin. « Vous le voyez, on a le temps de se retourner avant le déconventionnement ! Au minimum 2 ans, souvent plutôt 3 ans. On peut prolonger en faisant un mea culpa et reprenant les tarifs opposables quelques mois entre chaque période », analyse la FMF, qui conclut : « La désobéissance tarifaire n’est pas faite pour augmenter notre CA ou notre BNC. C’est surtout un acte militant pour exprimer le ras-le-bol de la profession et réclamer le retour à la table des négociations pour avoir une convention équitable qui nous donne véritablement les moyens de travailler dans de bonnes conditions. » À bon entendeur...