AACR 2020 – Le racisme en oncologie est une question de science, pas de politique

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Alors que les manifestations contre le racisme s’intensifient aux États-Unis, l’Association américaine pour la recherche sur le cancer (American Association for Cancer Research, AACR) a publié un communiqué marquant son opposition aux discriminations et aux inégalités raciales en général, en particulier en ce qui concerne les disparités en matière de santé, lors de son congrès virtuel 2020. L’organisation affirme que « la recherche permet de réaliser des avancées considérables dans la lutte contre le cancer et d’autres maladies chez l’homme, mais la triste réalité est que tout le monde ne bénéficie pas équitablement de ces avancées. Les progrès sont trop lents pour les personnes de couleur, et nous devons nous attaquer au coût monumental des disparités en matière de santé, notamment en ce qui concerne les injustices sanitaires […]. » Le sujet a également été abordé à l’occasion de deux panels portant sur les inégalités raciales dans le cadre de la recherche sur le cancer et sur la sous-représentation dans les essais cliniques.

À l’occasion de son discours d’introduction, Antoni Ribas, du Centre de cancérologie générale Jonsson (Jonsson Comprehensive Cancer Center), a déclaré que ces séances étaient censées être des « discussions ouvertes ». « Ce n’est pas une question de politique. Ce n’est pas une question de politiques. Cela ne concerne pas un ou plusieurs incidents en particulier. Il s’agit de s’interroger sur qui nous sommes et sur la façon dont nous interprétons les faits scientifiques », a-t-il déclaré.

Lola Fashoyin-Aje, de l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (Food and Drug Administration, FDA), a décrit les efforts de son organisation pour augmenter l’inclusion des personnes issues des minorités dans les essais cliniques portant sur des maladies qui ont un effet significatif sur leurs communautés. « Un faible nombre de patients issus de minorités ethniques qui présentent une incidence ou une mortalité plus élevée pour certains cancers, comparativement à l’ensemble de la population des États-Unis, pourrait limiter le caractère généralisable des résultats de l’essai en termes de sécurité d’emploi et d’efficacité. Nous avons réalisé une analyse visant à comparer la composition en termes d’origine ethnique des essais appuyant les autorisations des traitements des tumeurs malignes solides. La proportion de patients d’origine ethnique blanche inclus aux États-Unis (88 %) est plus élevée que leur proportion dans la population américaine (environ 70 % d’après l’auto-identification lors du Recensement des États-Unis). À l’inverse, l’inclusion des personnes issues des minorités est inférieure à leur représentation proportionnelle. Nous devons résoudre ce problème, tant au niveau national qu’international. »

Nicole J. Gormeley, du département des Hémopathies malignes de la FDA, s’est concentrée sur les données concernant le myélome multiple. « D’après les données de l’Institut national américain du cancer (National Cancer Institute), le taux de nouveaux cas pour 100 000 personnes est de 14,3 dans la population d’origine ethnique noire et de 6,6 dans la population d’origine ethnique blanche. Il existe également des différences importantes au niveau biologique : les patients d’origine afro-américaine développent un myélome à un âge plus précoce, présentent un taux plus élevé de précurseurs du myélome et d’anomalies génétiques spécifiques, mais nous disposons de peu de données provenant de cette population dans le cadre des essais basés sur des registres. »

Daniel J. George, de l’Institut de cancérologie de Duke (Duke Cancer Institute) a signalé les mêmes problèmes chez les patients atteints d’un cancer de la prostate : « Nous avons démontré qu’il est possible de mener des essais prospectifs portant sur des groupes spécifiques, mais une réflexion commune concernant les critères d’éligibilité, les exigences de l’étude et la sélection des centres, qui doivent disposer d’infrastructures adaptées aux essais cliniques, est nécessaire. Dans le cadre du cancer de la prostate, nous savons désormais que la réponse, la toxicité et la survie peuvent dépendre de l’origine ethnique, et nous devons comprendre quels sont les facteurs biologiques déterminants de la sensibilité et de la résistance aux interventions hormonales contre le cancer de la prostate selon l’origine ethnique. »

Après avoir examiné les données disponibles dans les études sur le myélome, la FDA a organisé un atelier en février 2020. Elle a ensuite élaboré une liste de recommandations visant à faire tomber les barrières qui empêchent les personnes issues des minorités d’être incluses dans les essais cliniques, à commencer par le remboursement des frais de déplacement et la disponibilité des centres spécialisés dans les régions où la mixité est plus importante.

« Nous avons tort de présumer que la biologie du cancer est la même partout dans le monde », a déclaré Lola Fashoyin-Aje. « Il est temps de se pencher sur la question de la diversité, même d’un point de vue scientifique. »

L’AACR a annoncé que la question de la diversité en oncologie sera au cœur des principales initiatives de l’AACR durant l’année à venir.