Le renoncement aux soins des chômeurs en France

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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Alors que le chômage est reconnu comme un facteur de risque de mauvaise santé, les études françaises sur le renoncement aux soins des personnes qui en sont victimes sont rares. C’est pour remédier à ce déficit qu’une équipe de chercheurs de l’INED (Institut national des études démographiques) est partie des données du baromètre santé 2016 pour faire le point sur le sujet. Leur étude a porté sur 9.660 individus âgés de 18 à 64 ans, actifs en emploi ou au chômage, interrogés par téléphone entre janvier et août 2016.

Les chômeurs renoncent plus souvent aux soins (29,4%) que les actifs en emploi (16,3%). Le plus souvent, il s’agit de soins dentaires (20,8% contre 12,5% pour les personnes en emploi), mais cela existe aussi pour les consultations chez un médecin (14,4% versus 4,9%).

Un effet propre du chômage sur le renoncement aux soins

Cela tient d’abord à ce que les chômeurs sont surreprésentés dans les groupes ayant des difficultés d’accès aux soins : personnes vivant seules sans enfant (42,7% contre 21,7%), personnes nées à l’étranger (notamment en Afrique, 13,6% contre 5,3%), citadins (81,9% contre 75,6%), anciens ouvriers (40,2% contre 22,1%) et employés (36,9% contre 28,9%). Ils appartiennent à des ménages dont les revenus par unité de consommation sont les plus faibles (53,2% des chômeurs se situent dans le premier quintile des revenus). De plus, seuls 67,8% d’entre eux disposent d’une complémentaire santé, contre 95,8% des actifs en emploi.

Cela étant, les caractéristiques sociodémographiques n’expliquent pas tout. Ainsi, « même à niveau de revenu du ménage égal, un chômeur aura une probabilité significativement plus importante de renoncer à un soin pour raisons financières qu’un actif occupé. » Il existe donc un effet propre au chômage sur le renoncement aux soins.

Plusieurs explications peuvent en rendre compte : les chômeurs sont plus souvent en situation de détresse psychologique, ce qui peut être un frein à se faire soigner, ils sont plus souvent découragés face aux échecs répétés, se perçoivent dépendants et inutiles et sont plus enclins à l’isolement social. Ils peuvent également se focaliser sur la recherche d’emploi au détriment de l’attention portée à leur santé, ainsi que vouloir épargner leur argent en prévision d’un futur incertain. Les difficultés liées au chômage ont donc une part dans le renoncement aux soins.

Un effet effaçant les catégories socioprofessionnelles

La catégorie socioprofessionnelle joue sur un écart relatif de renoncement : « Les cadres, qui ont la plus faible probabilité d’être touchés par le renoncement quand ils sont actifs occupés, et dans une moindre mesure les professions intermédiaires, sont ceux qui – une fois au chômage – connaissent la plus forte augmentation de leur probabilité de renoncer aux soins, toutes choses égales par ailleurs. Une fois chômeurs, leur risque de renoncement devient identique à celuides autres catégories socioprofessionnelles. Autrement dit, les différences socio-économiques dans le renoncement s’estompent pour les chômeurs. » Il est possible que la non éligibilité à l’aide aux complémentaires joue ici un rôle pour des personnes au départ plus favorisées financièrement. Cependant, l’étude de l’INED montre que les chômeurs ayant une complémentaire santé renoncent davantage aux soins que les actifs en emploi.

Les auteurs concluent sur l’importance d’études complémentaires, notamment pour tenir compte des évolutions récentes de l’assurance maladie et pour explorer les pistes d’explication avancées.

PS : La revue Population est désormais en accès libre.