Adolescence et pornographie
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Si la pornographie a toujours existé, elle est aujourd’hui très facilement accessible par internet (elle représente le quart du trafic web de vidéos dans le monde), y compris par les enfants et les adolescents. Inquiète de cette évolution, la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques a saisi la Haute Autorité de Santé, qui a transmis la saisine à l’Académie de médecine. Le groupe de travail constitué sur le sujet a procédé à l’audition de onze personnalités et effectué une revue de littérature internationale. Il s’est attaché à évaluer d’une part, l’ampleur du phénomène chez les enfants et adolescents (moins de 18 ans), d’autre part, son impact chez eux.
Des données disparates sur l’accès et l’exposition
Il n’est pas possible de donner une estimation chiffrée de l’usage, les données étant très variables selon les études internationales. En revanche, quelques tendances se dégagent. L’accès et l’exposition à la pornographie sont plus élevés chez les garçons que chez les filles (l’accès signifiant la démarche volontaire, l’exposition la rencontre passive avec du matériel pornographique). La consommation augmente avec l’âge, surtout dans les années lycée. Les très jeunes (10-11 ans) ne sont que 5% chez les garçons et 1% chez les filles à rechercher activement l’accès à la pornographie. Les jeunes garçons considèrent la pornographie plus positivement, comme un acte de curiosité, que les jeunes filles, qui rapportent plus fréquemment un côté inconvenant, voire du dégout.
La seule étude française date de 2003, à une époque où l’accès aux contenus pornographiques se faisait avant tout par la télévision. Il s’agissait d’une enquête auprès de presque 10.000 adolescents âgés de 14 à 18 ans. Elle a été suivie par un sondage en 2017 auprès d’un échantillon de 1.005 jeunes de 15 à 17 ans. Leurs données sont cohérentes avec celles de la littérature internationale. À noter que dans le sondage, la moitié des adolescents (53% des garçons et 52% des filles) avaient déclaré avoir été exposés involontairement à la pornographie. Plus de la moitié des jeunes (53% des garçons et 59% des filles) jugeaient avoir été trop jeunes lors de leur premier visionnage, alors que les autres pensaient avoir eu « l’âge ». Aucun ne pensait avoir été trop vieux.
Une voie d’entrée dans la sexualité
Les études internationales montrent que l’accès à la pornographie contribue à ce que la plupart des jeunes appréhendent la sexualité de manière plus libre que par le passé. Pour 4 sur 5 d’entre eux, les films pornographiques en sont une caricature. Cependant, ils favorisent des attentes irréalistes (par exemple, en termes de performance), une sexualité plus permissive (fellation, sodomie) ou occasionnelle, une maladresse dans les attitudes vis-à-vis du ou de la partenaire, et de forts stéréotypes de genre, dans lesquels la femme, soumise, est un objet et l’homme dominant. La violence étant par ailleurs très répandue dans les contenus médiatiques, il est très difficile de lier celle présente dans les contenus pornographiques avec celle existant dans les comportements.
En revanche, il y a un réel problème avec le sexting (envoi de photos ou vidéos de soi ou d’un-e partenaire nus à d’autres personnes). Ainsi, dans les pays anglosaxons, un tiers des jeunes connait une personne qui en a été victime. Une enquête française récente (2022) a montré que 21% des adolescents envoient des sextos et que 60% en reçoivent.
L’addiction à la pornographie est principalement subjective : ce sont les sujets eux-mêmes qui s’en jugent victimes. Mais elle impose de chercher des problématiques associées : troubles psychiatriques, autres conduites addictives, troubles de la sexualité.
Le chemsex (utilisation de substances psychoactives pour « améliorer » le rapport sexuel) concerne presque exclusivement les milieux homosexuels urbains. Il comporte de très nombreux risques (infectieux, psychiatriques, etc).
Pour conclure, l’Académie de médecine recommande, entre autres, de « repenser l’éducation à la sexualité à l’école » (en 2015, un quart des écoles n’en proposait aucune et les autres donnaient des informations essentiellement médicales), d’intégrer les parents à cette éducation et de responsabiliser les acteurs de l’internet (prestataires de service, diffuseurs et créateurs de contenus).
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