3ème dose, risque de myocardite, vaccination hétérologue, nouveaux vaccins, statut immunitaire dans le temps...

  • Véronique Duqueroy

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
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Le Dr Benjamin Davido, infectiologue, directeur médical et référent vaccin Covid-19 à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches a été interrogé par Medscape. Retrouvez l’intégralité de l’entretien sur le site internet Medscape

 

En voici quelques extraits :

Medscape : Que pensez de la 3ème dose de vaccin anti-Covid obligatoire pour les +65 ans et les patients fragiles ?

Benjamin Davido : « Je trouve que c’est assez logique. Mais, en même temps le message est très contre-productif, car le problème est plus large que la vaccination des plus de 65 ans. En effet, le rappel vaccinal est légitime puisque, comme on le voit dans des travaux récents, la 3e dose permet de récupérer un gain d'immunité d'anticorps neutralisants face au variant Delta. Pour rappel, une étude sur la transmissibilité publiée dans Nature[1] a montré que lorsqu'on reçoit deux doses de vaccin, on est très peu à risque d’être contaminé et donc de transmettre le virus au cours des deux premiers mois. Mais au-delà de ces 2 mois, le bénéfice est perdu avec le variant Delta. Nous savons également qu’après 6 à 7 mois, les taux de contamination rejoignent ceux d’un non-vacciné. [2] »

 

Medscape : Quid du risque de myocardites avec une 3e dose chez les groupes les plus jeunes ?

Benjamin Davido : « Au départ, il y avait beaucoup de questions, tout à fait légitimes d’ailleurs, sur la sécurité des vaccins à ARNm. Aujourd’hui nous avons des réponses. Il y a en effet un risque, faible, de myocardite chez les moins de 30 ans avec le vaccin Moderna, qui est bien décrit, et c’est pour cela qu’on a préconisé des demi-doses de ce vaccin pour les rappels ultérieurs. À ma connaissance, il n’y a eu aucun cas mortel de myocardite liée aux vaccins. Par ailleurs, les jeunes ont une probabilité 10 fois plus forte de faire une myocardite du fait de l’infection que suite au vaccin Pfizer. Il faut donc rassurer en toute transparence. En France, on recommande donc Pfizer pour cette catégorie d'âge. Après, il faut aussi respecter les protocoles : pendant les 15 jours qui suivent la vaccination, il faut être surveillé, ne pas faire d'efforts violents. Cela s’applique notamment aux jeunes, dont on sait qu’ils sont plus enclins à faire du sport, ce qui pourrait accentuer le risque de myocardite et augmenter le risque de passer à côté d'un diagnostic en pensant que les symptômes sont dus à l’effort. […] Mais on a relevé cet événement indésirable, qui est une situation particulière, et aujourd'hui, les choses sont claires et on peut s’en féliciter : on donne le vaccin Pfizer chez les moins de 30 ans, une demi-dose de Moderna pour les autres. »

 

Medscape : Vous conseillez même plutôt une vaccination de type hétérologue….

Benjamin Davido : « Oui, je pense qu’une demi-dose de Moderna en rappel après une vaccination Pfizer est intéressante. Plusieurs études ont montré que le vaccin Moderna est plus immunogène, ce qui d'ailleurs explique probablement les effets indésirables répertoriés. Pendant la quatrième vague, l’âge des patients hospitalisés pour Covid était autour de 44 ans dans mon établissement, c’est très jeune. Donc, selon moi, le véritable enjeu est de reprendre une campagne de vaccination de rappel et non pas une « campagne de vaccination des plus fragiles ».

 

Medscape : Dans ce contexte de vaccination hétérologue, pensez-vous que d’autres vaccins pourront être bientôt disponibles ?  

Benjamnin Davido : « J'attends depuis plusieurs mois de voir ce que va donner le vaccin de Novavax. Les données sur les essais cliniques montrent qu’il est relativement efficace. Encore une fois, on sait que les vaccinations hétérologues sont plus efficaces. Les vaccins à ARN ont bien fonctionné mais créent peu d’immunité mémoire et très peu d'immunité de muqueuse. Il sera intéressant de voir comment se comportent ces vaccins antigéniques sur l'immunité mémoire. On va de toute façon avoir besoin de vaccins qui sont beaucoup plus simples dans leur conservation pour vacciner des régions comme l'Afrique, qu'on a délaissées un peu égoïstement. Et on a, dans ce même élan, surtout oublié que la meilleure façon de lutter contre le Covid est d'éteindre le réservoir et donc d’universaliser la vaccination.

Il y a également les vaccins ARNm dits « 2.0 » avec les recombinants sur les souches bêta et gamma qui devraient arriver d’ici l'automne prochain. Pour la transmission, même si la troisième dose semble rétablir une certaine efficacité sur la diminution de la transmission, les vaccins muqueux pourraient trouver leur place dans la gestion de la pandémie, probablement en 2023. Ils ont l’avantage de se faire en spray nasal, et sont donc très intéressants car très reproductibles, ce qui en font d'excellents candidats pour la vaccination des jeunes enfants. Cela doit nous remplir d'optimisme. »

 

Medscape : Peut-on envisager une stratégie de vaccination plus personnalisée, en évaluant p. ex. le statut immunitaire des candidats à la 3edose ?

Benjamin Davido : « Il sera très intéressant de mieux travailler sur le besoin des boosts (rappels) au-delà des tranches d’âges. En effet, Une étude publiée par une équipe toulousaine dans le Journal of Infection, [3] montre qu'en dessous de 140 BAU/ml (binding antibody units), vous n'êtes quasiment plus protégé contre le coronavirus et qu'au-delà de 1600 BAU/ml, vous êtes protégés à quasiment 100 %. On commence à voir de plus en plus de publications qui essayent de donner une côte ― mal taillée certes, parce qu'entre 140 et 1600, il y a un écart ― de ce qui pourrait être une immunité plus ou moins robuste face à la maladie. Et les chiffres vont être amenés à évoluer en fonction des variants bien sûr. Il faudrait aussi faire des études plus larges, notamment là où l'épidémie redémarre : typiquement, quel était le taux moyen d'anticorps de la population face au virus là où l’épidémie a repris, et là où elle ne redémarre pas. »

 

Medscape : Si les études le confirment, pourrait-on envisager une vaccination à la carte selon son âge, son immunité etc. ?

Benjamin Davido : « Oui, et j'irais même plus loin. Dans le pass sanitaire français, il faudrait avoir la possibilité de se débarrasser du certificat de rétablissement qui ne veut rien dire, et indiquer plutôt le taux d’anticorps. Si l’individu a un profil immunitaire adéquat, il n’a pas besoin d’être vacciné, il pourrait avoir un pass « illimité »… au même titre que celui qui, p. ex. pour prendre une autre maladie, a fait une rougeole grave, et ne sera jamais vacciné. Plus l'épidémie va avancer, et plus la probabilité d'avoir rencontré la maladie sera importante. Une étude récemment publiée dans le Lancet [4]montre en effet que les individus malades ayant une dose de vaccin ont une immunité cellulaire 5 fois supérieure aux vaccinés 2 doses, cela laisse rêveur. »

 

Medscape : Pourquoi un dépistage sérologique systématique n’a pas encore été mis en place selon vous? Est-ce une question de coûts?

Benjamin Davido : « Une sérologie, c'est 25 euros. Or, c'est le prix d'une dose... […] En fait, il était encore un peu tôt. Certains s’étaient posé la question au début de la campagne de vaccination, mais cela n'avait pas beaucoup de sens parce que statistiquement, peu de gens avaient été en contact avec le virus. Aujourd'hui, cela concerne 1 personne sur 3."