2009-2019 : explosion des hospitalisations psychiatriques de détenus

  • Fovet T & al.
  • EClinicalMedicine

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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Depuis la création d’unités psychiatriques d’hospitalisation complète dédiées à l’accueil de détenus, aucun bilan n’en avait été mené en France, jusqu'à celui-ci.

À retenir

Une étude menée sur les données du PMSI entre 2009 et 2019 montre que le taux d'hospitalisation complète des personnes incarcérées a augmenté de 50,6% sur la période. La création de nouvelles structures dédiées (unités hospitalières spécialement aménagées ou UHSA) n'a pas permis de réduire l'hospitalisation en hôpital psychiatrique. Cette dynamique repose en partie sur l’augmentation des besoins en soins psychiatriques et celle de la population carcérale, mais ne peut suffire à expliquer ces chiffres. Il est possible que la création des UHSA ait permis de répondre à des besoins jusqu’alors non satisfaits ou qu’elle ait induit une demande de la part des personnes incarcérées.

Le bilan psychiatrique des personnes hospitalisées montre des profils lourds (schizophrénie, névroses, troubles de la personnalité et du comportement), une sur 5 ayant plusieurs diagnostics.

Pourquoi est-ce important ?

Il est bien décrit que les détenus souffrent plus fréquemment de troubles psychiatriques que le reste de la population française. Leur hospitalisation a longtemps reposé sur le recours aux services des hôpitaux psychiatriques généraux. Mais en 2008, cette organisation a été modifiée avec la création des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Désormais, plusieurs niveaux de prise en charge se succèdent : hospitalisations de jour et volontaires en Service médico-psychologique régional (SMPR), hospitalisation plein temps volontaire ou involontaire en UHSA et finalement hospitalisation plein temps involontaire en Unité pour malades difficiles (UMD). Cependant, aucun bilan national n’en existe. Des chercheurs lillois ont conduit une analyse à partir des données du PMSI.

Principaux résultats

Entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2019, 32.228 personnes incarcérées ont été hospitalisées en soins psychiatriques (64.481 séjours, 92,2 % d’hommes, âge médian à la première hospitalisation 32 ans). Ce nombre est passé de 3.263 à 4.914, soit une augmentation de 50,6% alors que sur la même période, le nombre de détenus et le nombre de personnes non incarcérées hospitalisées en psychiatrie ont augmenté de 12,5 % et de 3,6 % respectivement. 

Un diagnostic psychiatrique a été documenté pour 83,2% d’entre eux : schizophrénie et troubles délirants (27,4%), troubles de la personnalité et du comportement (23,2%), troubles névrotiques, liés au stress et somatoformes (20,2%), sachant que près d’un sur 5 avait des diagnostics multiples.

Si 61,4% des personnes incarcérées n’avaient eu qu’une hospitalisation sur la période, ils étaient 18,7%, 8,0% et 11,9% à avoir fait 2, 3 ou au moins 4 séjours. La part des séjours en UHSA était de 28,2%, sachant que ce nombre est passé de 300 (soit 6,8% du nombre total d'hospitalisations) en 2010 à 3.252 en 2019 (39,7% du total). Le nombre de séjours a augmenté plus rapidement que le nombre de patients, le ratio de séjour par patient passant de 1,3 en 2009 à 1,7 en 2019. Le nombre de séjours en hôpitaux psychiatriques, SMPR et UMD, qui représentait en moyenne 40,5%, 31,1% et 1,6% du total de la période, est resté stable sur ces 10 années.

La durée médiane d'hospitalisation était de 19 jours, avec une durée médiane de 37 jours en SMPR, 26 jours en UHSA, 8 jours en hôpitaux psychiatriques et 54,5 jours en UMD