Épisiotomie : de moins en moins utile…

  • Nathalie BARRÈS
  • Actualités Médicales
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À retenir

  • Cinq facteurs de risque de déchirure sévère du périnée ont été mis en évidence : la primarité, la dystocie de l’épaule, la délivrance instrumentale, le diabète gestationnel et la délivrance post-terme.
  • L’épisiotomie médiolatérale semble protéger de la rupture périnéale uniquement chez les femmes primipares qui subissent un accouchement instrumental.
  • La pratique de l’épisiotomie doit être pratiquée avec une extrême prudence et après sélection rigoureuse des patientes nécessitant cette procédure.

Pourquoi est-ce intéressant ?

L’épisiotomie a longtemps été proposée pour protéger le périnée maternel lors d’accouchements vaginaux difficiles, puis pour protéger le fœtus de l’hypoxie. Les incisions médiolatérales – recommandées en France - induisent moins de risque de déchirure périnéale et d’incontinence fécale que les incisions médianes. La déchirure périnéale grave (3e et 4e degré) provoque une déchirure partielle ou totale du sphincter anal avec pour conséquences des douleurs périnéales, une incontinence urinaire ou anale et des troubles sexuels. Les récentes études n’ont pas permis de conclure sur l’impact de l’épisiotomie sur le risque de déchirure sévère du périnée. D’où l’intérêt de cette étude de très large envergure.

Méthodologie

Les données ont été recueillies à partir de la base de données nationale (Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information-PMSI). L’ensemble des femmes âgées de 18 à 50 ans ayant subi un accouchement par voie basse en France en 2018 ont été incluses.

Principaux résultats

En 2018, selon les données du PMSI, 623.003 femmes ont accouché par voie basse en France (âge moyen 30,3 ans). Parmi elles, 38,5% étaient primipares, 10,0% ont subi une épisiotomie et 1,14% ont eu une déchirure périnéale sévère (3e ou 4e degré). En comparaison, le taux d’épisiotomie en 2012 était de 20,91% et le taux de déchirure périnéale sévère de 0,79%.

Les chercheurs ont pu mettre en évidence plusieurs facteurs associés à une augmentation significative du risque de déchirure périnéale : la primarité (odds ratio ajusté (ORa) 2,97), la dystocie des épaules (ORa 2,57), la délivrance instrumentale (ORa 3,81), l’accouchement post-terme (ORa 1,53), les efforts prolongés lors de la phase d’expulsion (1,53) et le diabète gestationnel (ORa 1,20). En revanche la multiparité était associée à un moindre risque de déchirure périnéale (OR 0,60 [0,42-0,86], p=0,050).

Le risque de déchirure périnéale était particulièrement augmenté lorsque l’épisiotomie était réalisée lors d’accouchements sans soutien instrumental chez des multipares (OR 2,42, p<0,001).

Le risque de déchirure périnéale sévère était toujours important, mais un peu moindre lorsqu'un seul de ces items était considéré : épisiotomie chez des femmes multipares qui avaient besoin d'une délivrance instrumentale (OR 1,32) et épisiotomie chez des femmes primipares qui n'avaient pas besoin d'une délivrance instrumentale (OR 1,26).

Chez les primipares ayant besoin du recours instrumental, l’épisiotomie mediolatérale devenait même un facteur protecteur du risque de déchirure du périnée par rapport à celles qui n’en bénéficiaient pas (OR 0,62, p<0,001).

Les auteurs expliquaient l’augmentation du taux de déchirure sévère du périnée entre 2012 et 2018 par l’« augmentation des procédures instrumentales et la nouvelle classification des lésions périnéales utilisées ou le recours aux nouvelles méthodes d’imagerie dont l’échographie endoanale qui identifie plus précocement des lésions », ainsi que par « une meilleure identification des lésions en lien avec une meilleure sensibilisation et formation des soignants ». Ils n’excluent cependant pas que « cette augmentation soit également due à un changement des habitudes alimentaires au cours des dernières décennies, entraînant une obésité maternelle et par conséquent une augmentation du poids du nouveau-né. » La macrosomie n’a cependant pas été mesurée dans cette étude.