Êtes-vous prêts à prendre en charge les futurs touristes spatiaux ?

  • Agnès Lara
  • Actualités Congrès
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À retenir

  • Les voyages de longue durée dans l’espace sont susceptibles de modifier la circulation et la répartition des fluides corporels, ainsi que le drainage du liquide céphalorachidien.
  • Une augmentation de la pression intracrânienne et intraoculaire a été observée chez les astronautes et entraîne des modifications des tissus cérébraux et oculaires.
  • Ces effets sont à la base du mal de l’espace et du syndrome neuro-oculaire associé aux vols spatiaux.
  • Les protéinopathies (Alzheimer, Parkinson) et toutes autres pathologies affectant la circulation du liquide céphalorachidien (LCR) doivent être considérées comme des contre-indications aux vols spatiaux.

Pourquoi est-ce important ?

À l’heure où des sociétés comme SpaceX et Blue Origin commencent à envisager le tourisme spatial, il est intéressant d’identifier les principaux facteurs de stress auxquels seront soumis les voyageurs lors de séjours prolongés dans l’espace : microgravité, radiations cosmiques, périodes prolongées d’hypercapnie, isolement, confinement, perturbations des rythmes circadiens... Et les futurs touristes qui n’auront pas forcément la même réserve physiologique que nos actuels astronautes (hygiène de vie moins stricte, moindre préparation au vol) risquent d’être davantage affectés. Dans le cadre d’une revue parue dans Life Science in Space Research, des chercheurs de l’Université de Sheffield (Royaume-Uni) ont fait le point sur les effets de la microgravité.

Microgravité et mal de l’espace

La microgravité, ou absence de force gravitationnelle, entraîne des perturbations du système vestibulaire qui peuvent occasionner un mal de l’espace. En effet, les otolithes qui servent habituellement à déterminer la position verticale ne sont plus stimulés par la gravité et l’orientation est alors essentiellement donnée par les stimuli visuels, ce qui peut entraîner une désorientation. De plus, la différence de stimulation entre le système vestibulaire et visuel peut être source de nausées, de vomissements, de fatigue et même d'anorexie. Des vertiges peuvent également survenir lors de la mise en mouvement de la tête ou du corps et compromettre les activités dans l’espace. Ces symptômes surviennent surtout au cours des premiers jours lors de l’arrivée dans l’espace et du retour sur Terre, puis s’atténuent avec l’adaptation du système vestibulaire par la suite. Ils sont cependant susceptibles de durer plus longtemps chez des sujets en moins bonne condition physique. La prise en charge de ce mal de l’espace repose essentiellement sur des injections intramusculaires de prométhazine.

Le syndrome neuro-oculaire associé aux vol spatiaux

La microgravité entraîne aussi une redistribution des fluides corporels qui peut non seulement contribuer au dysfonctionnement du système vestibulaire, mais aussi affecter les structures cérébrales et oculaires. Sur Terre, la gravité provoque un déplacement du volume sanguin de la tête vers les pieds lors du passage de la position couchée à la position debout. Ce gradient de pression n’existe pas en apesanteur et la pression sanguine reste légèrement plus importante au niveau de la tête. Cela augmente la pression intracrânienne, avec des volumes de matière grise et ventriculaires augmentés. L’augmentation de la pression intra-oculaire est à l’origine d’un Syndrome Neuro-oculaire Associé aux vols Spatiaux (ou SANS). Celui-ci se traduit par des œdèmes du disque optique, un aplanissement du globe oculaire, une apparition de plis choroïdiens et rétiniens et par des zones ischémiques sur la rétine. Après 6 mois dans l’espace, on observe chez les astronautes une baisse de la vision de près qui se corrige avec le temps. Cependant les modifications neuro-ophtalmiques persistent et la physiopathologie du SANS reste encore mal connue. Les symptômes se rapprochent de ceux de l’hypertension intracrânienne idiopathique (HII) sur Terre, mais sans les maux de tête, la diplopie ni les modifications de la vision chez les astronautes, la pression intracrânienne étant plus basse chez ces derniers. La prise en charge du SANS peut donc s’inspirer de celle de l’HII (acétazolamide en première ligne pour réduire la production de LCR). Et le corollaire de cette analogie suggère une contre-indication des vols spatiaux pour les sujets souffrant d’HII.

In fine, quelles contre-indications aux vols spatiaux ?

La modification de la pression intracrânienne et la perturbation de la circulation du LCR pourrait également altérer le drainage de certaines protéines pathologiques que l’on retrouve dans les maladies d’Alzheimer et de Parkinson par exemple. Le déclin cognitif pourrait ainsi être accéléré chez les personnes sujettes à ces pathologies. Par ailleurs, l’exposition aux radiations cosmiques, considérées comme étant plus à risque que celles utilisées en médecine, pourrait aussi accroître le risque de ces maladies neurodégénératives et de tumeurs cérébrales. Les chercheurs déconseillent donc les vols spatiaux aux populations plus à risque comme les enfants et les femmes enceintes. 

Plus généralement, toutes les pathologies affectant la circulation du LCR comme la sténose de l’aqueduc et l’hydrocéphalie pourraient être accentuées par la microgravité et constituent donc des contre-indications aux vols spatiaux.