« Une aide active à mourir, sous conditions » ?

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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Attendue, la décision de la Convention citoyenne sur la fin de vie en faveur de « l’ouverture de l’aide active à mourir, sous conditions »1 n’en est pas moins retentissante. Si elle était adoptée par le législateur, elle témoignerait d’une évolution conséquente de la société française. La huitième et avant-dernière session de la Convention ne s’est cependant pas prononcée à l’unanimité. L’examen des modalités de cette aide a été repoussé à la dernière session, les 31 mars et 1 et 2 avril 2023.

À la question « L’accès à l’aide active à mourir devrait-il être ouvert ? », 75,6% des conventionnels ont répondu « oui », 23,2% ont répondu « non » et 1,2% se sont abstenus. À celle stipulant « La possibilité d’un accès à l’aide active à mourir devrait-elle être ouverte aux personnes avec condition(s) ? », 70,6% ont répondu « oui », 14,7% ont répondu « non » et 13,5% ont indiqué être opposés à l’ouverture de l’aide active à mourir.

L’aide active à mourir (AAM) désigne à la fois le suicide assisté et l’euthanasie.

  • L’ouverture de l’AAM sous la forme du suicide assisté seul a recueilli 9,8% des votes ;
  • L’ouverture de l’AAM sous la forme de l’euthanasie seule a recueilli 3,1% des votes ;
  • L’ouverture de l’AAM sous la forme du suicide assisté avec exception d’euthanasie (pour les patients demandeurs qui ne pourraient pas physiquement effectuer le geste final) a recueilli 28,2% des votes ;
  • L’ouverture de l’AAM sous la forme du suicide assisté ou de l’euthanasie au choix a recueilli 39,9% des votes ;
  • 18,4% des citoyens ont indiqué être opposés à l'ouverture de l'accès à l’AAM ;
  • 0,6% des citoyens se sont abstenus.

Plusieurs propositions ont été votées portant sur le suicide assisté comme sur l’euthanasie. Parmi elles, on note :

  • Le patient doit être à l’origine de la demande, qui peut cependant être faite par la personne de confiance ou après examen des directives anticipées.
  • Elle doit être précédée d’une pré-demande auprès d’un médecin ou d’un professionnel de santé, puis après un délai, auprès d’un médecin (ou dans le cas du suicide assisté, « d’autres personnes »), et enfin être réitérée et formalisée « de manière écrite ou enregistrée de manière archivable pour faire l’objet d’une preuve. »
  • Elle doit faire l’objet d’un accompagnement dès la pré-demande, pendant lequel le patient doit pouvoir explorer d’autres alternatives et être informé « de la primauté du suicide assisté sur l’euthanasie. » En particulier, tous les traitements et les accompagnements doivent être effectués avant de permettre de demander une AAM.
  • La famille ne doit être impliquée que sur demande du patient.
  • Une évaluation du discernement doit être réalisée avant validation de la demande.
  • Une procédure collégiale et pluridisciplinaire doit être mise en place pour valider la conformité de la demande et acter la décision finale. En cas de suicide assisté, cette procédure doit inclure d’autres profils (professionnels du médico-social, ou notaire, etc), cette option n’étant que possible en cas d’euthanasie.
  • L’acte de suicide assisté est « nécessairement réalisé par la personne elle-même. » Mais « La présence d'au moins un professionnel de santé est requise pendant l’acte. »
  • Les soignants doivent pouvoir faire valoir une clause de conscience pour ne pas participer à la procédure de réalisation de l’acte.
  • Un système de suivi et de contrôle du dispositif dans son ensemble doit être mis en place.

Ces propositions ne répondent cependant pas à la question centrale de l’accessibilité à l’AAM. Comme le souligne le compte-rendu de cette huitième session, « la Convention Citoyenne est avant tout un nuancier d'opinions qui se rejoignent sur certains points mais diffèrent sur d’autres. »1,2 Aussi 19 « modèles de fin de vie » ont-ils été formulés en combinant différents critères d’accessibilité. Ils seront soumis au vote lors de la neuvième et dernière session, les 31 mars et 1er et 2 avril 2023.

Resteront alors deux problèmes majeurs à régler, soulignés pendant les sessions précédentes : la réticence de nombreux soignants à s’engager dans l’AAM3 et l’état pour le moins préoccupant des soins palliatifs en France, et plus généralement de notre système de santé4. Non résolus, ces deux problèmes risquent de laisser une loi éventuelle à l’état de « bonnes intentions ».