« Déserts médicaux » : tenir compte aussi des besoins effectifs des patients

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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L’évaluation de l’accès géographique aux soins s’effectue principalement par l’indicateur d’Accessibilité potentielle localisée (APL), établi initialement à partir de la densité de médecins généralistes ou spécialistes dans un bassin de vie, des temps d’accès des patients à ces praticiens et de l’âge moyen des patients dans ce bassin. Celui-ci est défini par l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) comme le plus petit territoire au sein duquel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. La métropole française compte 2.739 bassins de vie comprenant chacun en moyenne 23.300 habitants. L’APL est un indicateur précieux, établi à partir de données démographiques et géographiques fiables. Mais selon 4 chercheurs de l’Université de Clermont Ferrand, il est insuffisant parce qu’il ne tient que très peu compte de la demande de soins effective des patients, estimée seulement à partir de leur âge.

Pour eux, il faut également se pencher sur leurs parcours de soins, en tenant compte notamment de leurs besoins (hospitaliers et de ville, en pharmacie, radiologie et laboratoire) et de leurs contraintes de déplacement. En effet, il arrive que dans des territoires « sous-dotés », l’accès aux soins ne soit pas partout difficile, comme inversement, il peut être compliqué dans des territoires suffisamment dotés.

Quatre types de parcours

Dans un travail exploratoire, les chercheurs ont croisé les données mobilisées pour le calcul de l’APL avec celles relatives aux parcours de soins d’une cohorte de 1.800 patientes prises en charge pour un cancer du sein dans un établissement spécialisé de l’ex-région Auvergne. Ils ont ainsi identifié 4 principales catégories de parcours de soins.

  • Classe 1 : concerne les aires urbaines des villes moyennes où est présent un centre hospitalier pouvant prendre ponctuellement le relais de l’établissement spécialisé de la région.
  • Classe 2 : accès aisé à l’ensemble des services de soins ; concerne les aires urbaines des grandes agglomérations et des petites villes proches.
  • Classe 3 : concerne les territoires ruraux où la distance et/ou la fréquence des déplacements rendent malaisée l’accessibilité aux services hospitaliers, mais où l’accès aux services de proximité est bon.
  • Classe 4 : concerne les territoires ruraux ou périurbains où, selon les cas, la distance, la fréquence des déplacements ou la faiblesse des moyens de déplacement peuvent rendre malaisée l’accessibilité à l’ensemble des services de soins.

Une carte de l’accès aux soins en mosaïque

Ils aboutissent ainsi à une carte en mosaïque où, par exemple, l’accessibilité aux services de soins peut être malaisée dans certains territoires alors qu’ils sont relativement proches de la grande agglomération (ici, Clermont-Ferrand).

Ils en tirent deux principaux enseignements :

  • Certaines solutions aux difficultés d’accès aux soins doivent être nuancées (aides financières ou contraintes à l’installation de médecins, exercice en maisons de santé, contrats de praticien territorial de médecine générale, télémédecine, téléconsultation…) en leur intégrant les données des parcours de soins. D’une manière générale, « les territoires de santé ne peuvent pas être appréhendés d’une manière principalement comptable, trop abstraite. Il est nécessaire de les aborder comme des espaces vécus où besoins et offres de soins s’agencent à partir des caractéristiques du territoire et de sa patientèle. »
  • La gestion des parcours de soins doit être associée aux mesures organisationnelles ou managériales. Les auteurs donnent les exemples des infirmières pivots du Canada et des « case managers » (gestionnaires de cas) aux États-Unis, Suisse et Royaume Uni. En France, ils suggèrent que cette gestion pourrait être confiée aux infirmières de pratique avancée.